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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour mars 2016

Culture, périls et fruits humains

Culture, périls et fruits humains

7 mars 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / 29mokara

 

1. Savoirs, raison et périls

La valeur accordée aux choses de l’esprit se flétrit. Le ciel de l’entendement, de la sagesse, s’obscurcit peu à peu. Au-dessus des consciences endormies les nuages de l’ignorance et de la médiocrité s’amoncellent et menacent, comme mus par une loi mécanique implacable. Au sein des circonvolutions à demi redressées viennent ces ombres coloniser les voyageurs ensommeillés.

À notre époque de la superficialité, de la quantité, de l’irréflexion, durant ce grand « trouble », les humains ne devraient-ils pas veiller davantage à ce que les paysages sociétaux ne s’assombrissent jusqu’à l’excès, à ce que les lueurs de la raison ne s’évanouissent complètement, à ce que l’imposant tableau de l’humanité, le portait, les traits, ne soit pas absorbé totalement par l’infinité des nuances sombres, enseveli sous le lugubre affamé ? — Ce fier homo « sapiens » ne devrait-il pas craindre bien plus que dans cet épais et sinistre brouillard, où les rayons même sont pris au piège, avalés et dissous, la clarté soit oubliée ?

2. Culture, épistémè et horizons ou les pleurs de la sécheresse

Pour être en mesure de se rendre pleinement compte de cette météorologie extraordinaire, cela implique de distinguer dans la pénombre les diverses couches superposées de nos cultures, tous ces horizons, cette épistémè, où se déposent patiemment les vestiges des édifices conceptuels, les restes des siècles lointains et proches — ce sol au profil complexe.

Mais dès lors, ne devient-il pas évident que cet amas de cultures, ce bloc d’acquis, nécessite des horizons supplémentaires et d’une nature différente, que son visage si jeune, et pourtant si ridé par la contrariété, par le poids des années et la maladie, pourrait bénéficier de la venue et de l’accueil chaleureux dans son sein de structures atypiques, de terres émergentes ? N’apparaît-il pas que ce dont il est question, ce n’est pas d’une fraîcheur superficielle, mais d’un froid doux, modéré et profondément nouveau, c’est-à-dire d’une couche de memes qui modifierait la forme et le fond de l’ensemble, qui amenderait l’allure et la teneur de ce sol stérile et intoxiqué, de ce sol aride et tout en pleurs des patrimoines collectifs actuels ?

N’a-t-on pas conscience de cette pléthore de cerveaux complètement « lessivés », des eaux de l’inculture appauvrissant leur sol, du visage de cette culture intégrant ses vagues de cosmétiques de dernière génération, mais dont les racines s’assèchent, durcissent et dépérissent ?

Dans les circonstances présentes, ce sont les sources les plus nobles que l’on délaisse ; ce sont les fondements les plus essentiels qui, de nos jours, subissent l’érosion par les lames du Temps.

3. Fruits humains

Le trouble s’accentue dans la culture et affecte, entre autres, son organisation, ses propriétés, la nature des eaux y circulant et ses fonctions. Elle souffre d’une considérable faiblesse de constitution. C’est un problème qui concerne des phénomènes de corruption, d’altération, de pourrissement. Il en résulte une Humanité à la vue déclinante, — à la tête baissée et détériorée à ce point que certains témoins croient voir un fruit trop mûr, un fruit gâté !

La qualité est donc défaillante, et cette défaillance de la culture stimule cette décadence dans le discernement et le bon goût.

D’une manière générale, il s’agit d’un point, d’une difficulté, qui a trait à l’air, au sol, à la nourriture, au climat : l’ennui est relatif au degré de salubrité des nations, à la qualité de leur humeur, in globo, à la nature, à la valeur, de leur fonctionnement, de leur santé. C’est l’alimentation, les vents, la physiologie du goût ; en un mot, l’atmosphère humaine, intérieure et extérieure, qui est en cause…

 

Finalement, c’est la rade qui n’est pas bonne, qui n’est pas sûre, qui n’est pas suffisamment abritée des grands vents du large, des furieux tourbillons du futur proche, et cependant la stupéfiante désintégration, la formidable dérive menace. Et voilà qu’évolue brusquement en pleine mer la barque, inconsciente de son état et du péril qui la guette ! À présent, ce sont les côtes et les écueils qui se rapprochent brutalement ! Les vents et les courants se déchaînent, les vagues grondent, les mers se soulèvent, la tempête éclate… l’abysse vient !

Quoi qu’il en soit, même au milieu du déchaînement, l’heure reçoit toujours amicalement à sa table certains points d’interrogation ; et je souhaite lui proposer celui-ci, un candidat, un hôte potentiel parmi d’autres : Ne serait-il pas préférable si, au lieu d’assister à cette formidable érosion des cultures avec cette attitude passive et cette voix plaintive, comme si l’on était présent à leur enterrement, l’homme moderne s’empressait de les vider de leurs tares, de mettre en oeuvre des traitements adaptés, d’amender les sols afin qu’elles puissent porter de bons fruits — des idées en excellente forme physique, mentale et de valeur, conformes au bon sens et, comme je l’ai évoqué précédemment, au bon goût — ; bref, si les êtres conquéraient la volonté haute et les moyens indispensables en vue de réchapper des périls imminents, de ces coups à la tête qu’ils s’infligent eux-mêmes, s’ils contribuaient à une culture salubre, à une culture où germent la gaieté et la santé, — s’ils s’évertuaient à cultiver une Terre saine et viable ?…

Je dis : Une Terre saine et viable, et j’entends par là une Terre vigoureuse, sûre de la noblesse de ses racines, confiante en ses fondations, et qui soutiendrait avec ses vastes bras lancés vers le ciel, une évolution pérenne, un mûrissement patient et durable de toutes ses formes de vie dont : cette modeste mais magnifique branche donnant l’hospitalité à ces petits, curieux et attendrissants fruits… humains !

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Le Créateur et la créature ou se créer soi-même

Le Créateur et la créature ou se créer soi-même

5 mars 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / sezer66

 

L’esprit libre et créateur, celui qui fonde, qui tire du néant, qui sauve la vie du nihilisme, les existences, ces magnifiques chaumières, du pillage, est cette mystérieuse créature qui engendre cette même étrange créature : il est le Créateur et la créature.

Cette conscience est non seulement le fruit de ses propres entrailles, une œuvre, une création d’elle-même, mais aussi sa propre génitrice… sa parente la plus intime, sa nourrice, sa gouvernante… — Elle s’instruit dans les choses de l’esprit ; elle devient éducatrice — elle apprend à vivre.

L’esprit atypique utilise sa substance originelle pour ses structures essentielles actuelles et futures, pour ses métamorphoses. Il est celui qui en son for intérieur affirme : « Je suis une chose qui pense1 », et celui qui pense : « J’existe, donc je crée ; donc je suis mon Créateur continuel ! »

Cette nature avisée sait que pour demeurer dans sa pleine différence, cela nécessite de maîtriser l’art d’enfanter, lequel impose de parfaitement posséder l’art de bien penser, — particulièrement de bien se penser.

À partir du moment où la maîtrise coule dans ses veines, cette âme devient cette organisation, ce système psychique à part parmi les autres, cette nymphe, cette toile-chrysalide affirmant ses particularités, affinant et se dévoilant à soi-même son contour, et se révélant et se liant avec autrui d’une manière inédite, — au sein d’un cadre nouveau.

Et dès lors que cet esprit se pense naturellement, c’est-à-dire « spécialement » et librement, il fait naître, dans la logique des choses, une essence rare : une unicité. — S’intégrant aux cycles de la nature, l’être engendre l’être : il se crée singularité.

 

  1. René Descartes, Oeuvres philosophiques de Descartes, p. 251.

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L’odeur, le nez malade et l’expansion de la bêtise

L’odeur, le nez malade et l’expansion de la bêtise

4 mars 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Atypeek

 

Sent-on l’odeur de la bassesse qui toujours plus s’élève et se répand ? Ressent-on cet air morbide, décadent, ce conquérant habile, l’ampleur et l’arrogance dans ses visées, la volatilité considérable de sa substance et l’expansion inouïe de son funeste parfum ? Perçoit-on sa gaieté, sa faim de puissance, son désir immodéré de communiquer sa force, sa vitalité, d’épancher sa nature, son essence, de générer la désolation et la misère ?

Il est des émanations pestilentielles qui prospèrent incognito : des particules obscures et toxiques, d’une extrême ténuité, impalpables, fatales ; des odeurs évoluant cachées dans la foule, d’une fusibilité remarquable — des étrangères trémoussant en plein air, libérant leur longue chevelure menaçante, toutes nues et invisibles dans la lumière !

Comment est-ce possible ? — Parce que les yeux ne voient pas ; les nez ne sentent pas ; les cerveaux ne saisissent pas… — les organes sont défaillants. Les « systèmes immunitaires » sont stupéfaits, estomaqués, paralysés dans la grande hébétude.

La nuit à soif, l’esprit se vide…

Ainsi donc les nations essuient leurs plus grosses pertes — pertes dont elles se rendent paradoxalement le moins compte. Ainsi donc les fuites de l’esprit se déversent, et cependant il s’assèche et ses terres se stérilisent : ses rêves et ses espoirs se tarissent au sein même de leur source, la terrible sécheresse verse ses larmes, et ses pleurs crépusculaires arrosent et nourrissent cette âme où déjà l’infertilité, l’obscurité et la poussière bourgeonnent.

Et pendant ce temps les corpuscules totalement dévêtus poursuivent leur danse… et les villes, enveloppées par ces relents qui tournent les têtes plates, ces maisons à toit lisse, subissent leurs profondes mutations, se transforment en véritables dépotoirs.

Ce qui fait le plus défaut à l’évolution de l’Homme, c’est un bon nez — c’est le flair.

C’est l’art de sentir — de bien sentir et de bien se sentir…

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Les chimères, la liberté créatrice et l’avenir des civilisations

Les chimères, la liberté créatrice et l’avenir des civilisations

3 mars 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / MattGush

 

Cette société des apparences encense la liberté. Elle se targue d’une liberté réelle là où il ne s’agit que d’une liberté illusoire. Comme on endort les douleurs d’un agonisant avec des injections de morphine, ainsi les individus exploités — ceux qui se disent inconsciemment :   « Je suis une matière, une masse informe et malléable, disposez donc de mon sort comme il vous plaît ! » — sont trompés par les statuts, les récompenses, le pouvoir et la grande espérance — celle d’un « temps libre », d’un moment de loisir plaisant, réconfortant : l’espoir d’une vie facile, sûre et confortable. C’est ainsi que les forces de vie sont atténuées, que le rêve véritable et l’imagination fertile sont sacrifiés. — L’individu est tout simplement spolié, dépossédé de son bien le plus précieux, de sa liberté créatrice, et, par suite, de ses possibilités de croissance, — de ses manières d’advenir.

Au milieu de ce vaste brouillard, on discerne une forme, un immense lit de parade. La pensée commune, le dogmatisme et l’absence ou l’insuffisance de jugement, tranquillement, se penchent sur la couche des peuples et, implacablement, étranglent secrètement avec la rigidité de leur corde et l’opacité du foulard une Humanité allongée, endormie, stupéfaite, — une ombre lourde enfoncée dans des draps qui déjà veulent l’envelopper. Mais quelles oreilles entendent encore les malades, les cris de désespoir, les plaintes inarticulées et étouffées provenant de l’intérieur de tous ces corps paralysés, faibles et impuissants, — de toutes ces âmes enlisées dans cet immobilisme et ce silence macabre, enfoncées dans de terribles maux, dans de mauvais draps ?

Quels phénomènes extraordinaires peuvent bien conduire à une telle dégradation des perspectives individuelles ? — L’unique, le cercle, l’infini, se dilue dans la pénombre, dans le grand nombre : nous assistons à une déliquescence, à une dissolution des systèmes singuliers, autrement dit des individualités, qui doucement se noient, sûrement s’abîment. L’humanité des êtres se perd lorsqu’ils sont réduits à un rôle, à une identité de robot, de donnée ou de médiocre consommateur dans ce monde de la technique avide, numérique, automatisé qui subrepticement incorpore dans ses entrailles câblées, dans ses océans d’informations les consciences devenues de simples signes, de vulgaires chiffres. Les existences sont codifiées, la lumière des esprits absorbée par l’entrelacs, par les énormes cités industrielles et réticulaires, par la monstrueuse épeire noire, par la norme idolâtrée. Dans cette brume opaque, l’essence même se perd, oublie ses origines et ses contours, — s’évapore peu à peu. Les battements ralentissent, les lignes et les oscillations se brisent et s’estompent : c’est la grande révolution, que dis-je, la stupéfiante dilution ; celle qui opère en plein coeur des réseaux abyssaux sous le voile de l’anonymat, dans ces espaces sombres confondant toutes les âmes, là où, les unicités, les natures particulières, les cercles même s’évanouissent, s’effacent et disparaissent.

À ce sujet, je tiens à évoquer un petit exemple « géométrique ». Certains éleveurs confinent leurs bêtes dans des zones minuscules au moyen de colliers de bois, — de carcans1. Des cercles et des triangles conceptuels, plus abstraits donc, mais aux effets non moins manifestes, sont mis au cou de nombreuses bêtes humaines (ces carcans sont imposés par d’autres bêtes, ou bien posés par les victimes elles-mêmes), et assurent leur fonction à merveille en inscrivant les modalités de l’existence dans des anneaux toujours plus étriqués. Ah ! quel curieux phénomène que ces étranges animaux qui semblent jouer avec les formidables carcans comme certains « enfants » s’amusent avec les plus redoutables serpents ! Et ce sont précisément ces individus qui espèrent ainsi s’offrir l’assurance d’une existence préservée du tumulte et du péril ! D’ailleurs, ils y parviendraient presque dans ce cadre de verdure qui semble si calme… si réglé, si prévisible… dans ce carré de prairie délimitée qu’est leur vie, — au sein de cette destinée quadrillée, encerclée, clôturée !

Pourtant, la vie n’est-elle pas par nature rebelle ? la nature ne craque-t-elle pas les barrières, les frontières, les codes ? Pourtant, ne sont-ce pas bien moins les limitations concrètes qui compriment les potentialités humaines que la peur de l’inconnu, de la liberté effective, du vertige du vide, — que la colossale crainte du « plus » inconnu des étrangers : le soi ?

Mais « Qu’importe ? », semble hurler l’indifférence de la foule folle…

Quoi qu’il en soit, on observe en tous lieux ces parcs à bestiaux et ces « champs » clos, je veux dire ces esprits ceints par des haies imaginaires, ces espaces mentaux bornés. Partout, l’oeil qui a appris à percevoir, s’ouvre et voit apparaître devant lui (et malgré lui) au milieu des apparences, de l’obscurité ambiante, ces royaumes asphyxiés et cadenassés — par d’innombrables barricades conceptuelles artificielles, chimériques, par des murs d’illusions, par des remparts réfléchissants — dans lesquels viennent se mirer à leur insu les horribles interprétations sclérosantes —, par des surfaces grisâtres encombrées de lianes rampantes formant d’effroyables filets verdâtres et rougeâtres aux mailles infernales… L’oeil observe cet espace et cette géométrie qui circonscrit et réduit ; il dissèque ces conceptions aveuglantes et limitantes (elles s’objectivent spontanément et à peu près intégralement lorsque son regard se pose sur elles), ces convictions inébranlables qui serrent à la gorge — il considère en silence ces empires opprimés qui se développent. — Devant lui, les menottes tremblantes s’agitent et peignent leur propre destinée : les consciences se dessinent, les civilisations prennent forme et affirment leurs traits caractéristiques, les visages se révèlent clairement. Soudain l’oeil central a le coeur sur le bord des lèvres : hélas ! il a autour de lui des pinceaux évoluant comme des possédés, et accouchant dans une cacophonie invraisemblable de tableaux d’une hideur inédite, — irréelle !

Et comment ne pas ressentir un accès de compassion pour cet organe malade lorsque, dans les alentours, dans ce vaste champ où sa vision se déploie, croît, non pas la grandeur, la force et la splendeur, mais la bassesse, la faiblesse et la laideur ?…

D’aucuns penseront que ce globe oculaire exagère, qu’il est capricieux, voire grincheux. Mais il ne faudrait pas sous-évaluer sa « sensibilité » et la qualité de son goût…

 

  1. Le terme carcan peut être défini comme un « cercle ou [un] triangle de bois que les éleveurs mettent au cou de certaines bêtes pour les empêcher de traverser les haies », Dictionnaire de l’Académie française, 9ème édition, « CARCAN ».

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Volatilité

Volatilité

2 mars 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / buhanovskiy

 

Les esprits les plus lourds, les plus patauds, sont tout autant agités qu’accablés, comme rivés au sol — tels des prisonniers hargneux, des bêtes captives, de vrais volatiles de basse-cour qui ont désappris à voler, — dénaturés.

Il existe un autre type de volatilité : la volatilité en tant que « mesure de la capacité d’une substance à se vaporiser », à se transformer en gaz.

Lorsque l’on gravit l’« échelle de la volatilité », on rencontre des cerveaux à l’intérieur desquels sévit également le chaos, la fièvre qui génère l’effervescence, — mais ces esprits sont plus aériens, plus libres, plus éthérés.

Au fil de l’ascension, la légèreté « s’enracine » plus vigoureusement — sa puissance s’épanouie —, les âmes virevoltent et apprennent à danser au rythme du scintillement des étoiles, jusqu’à s’échapper — vapeurs incandescentes fuyant vers d’autres espaces, d’autres ailleurs.

Ainsi, certains esprits sont plus volatils : ils se transforment plus facilement en vapeur, — ils se subliment.

Les individus peuvent : 1. Choisir d’être des étoiles vibrantes ou des gallinacés qui s’agitent ; 2. Déterminer leur état : solide, rigide et cadenassé, ou bien vaporeux, aérien, éthéré ; 3. Subir leurs pulsions, leurs croyances et leurs habitudes de vie néfastes ou les maîtriser, les sublimer; 4. Se limiter, se restreindre, rapetisser, ou bien tels des gaz, naturellement, occuper tout le volume qui leur est offert, escalader le vaste arbre de l’existence et explorer l’immense champ des possibles en gambadant…

Mais il est nécessaire, avant tout, de bien se rendre compte qu’il s’agit là essentiellement d’une question de degré — de localisation sur l’échelle…

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Le conformisme et la médiocrité ou les égouts et le grand dégoût

Le conformisme et la médiocrité ou les égouts et le grand dégoût

1 mars 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / CorelPower

 

Il n’est pas autorisé de laisser l’écoulement de ses eaux se répandre chez son voisin.

Et pourtant quel spectacle que ces égouts qui s’échappent des « toits » et envahissent les canaux, les vaisseaux et les coeurs des villes !

Il est vrai que notre société est prodigue de son « bien » : elle aime son prochain et le comble ô combien ! — Courant vers d’autres réceptacles humains, d’autres bassins de chair, les chutes dégoûtantes continuent de jaillir, de dégouliner et d’étaler leurs imposantes nappes usées et méphitiques. De tout cela découlent des consciences comblées et émaciées, des âmes remplies de plaintes, débordantes de souffrance, de faiblesse, d’inanité, des êtres submergés par les pensées désagréables, par la dépression, la confusion, le chaos.

À la place de ces jardins luxuriants peuplés de fontaines et de lacs à l’eau claire et scintillante, se déploie un spectacle inouï : des étendues troubles et « superficielles », souillées, dénaturées, — à perte de vue. Les surfaces fétides du conformisme et de la médiocrité s’étirent et prospèrent ; elles deviennent ce fleuve avalant continuellement les individualités, ce monstre animé sans cesse par une énergie et une volonté prodigieuses, un monstre inépuisable et colossal à ce point qu’il semble surnaturel ; une force de la nature sombre accaparant toujours plus les champs, les mentalités, — les espaces physiques et mentaux.

Dans ces circonstances presque irréelles, les individus sont surpris. Il est des géants aussi pernicieux que silencieux, des flots qui détournent le cours naturel, le cheminement spontané des petites barques existentielles, des eaux qui, au sein de cette insconscience commune et de ce silence morbide, mettent en oeuvre leur funeste dessein, qui, au plus profond des âmes, ont raison du contenant, et expriment leur nature, libèrent leurs forces destructrices, — engendrent la chute…

Par ailleurs, qu’importent toute cette déplorable bassesse du monde et tous ces poissons des creux, ces poissons asphyxiés, percés, fêlés, se vidant de leur essence, fuyant goutte à goutte, ces êtres qui s’égouttent sur le fond de l’abîme ? Qu’importent à ces oiseaux des hauteurs, à ces esprits perchés au-dessus des marécages cette végétation décadente et cette vase immonde ? Quelle place peut bien avoir tout cela dans la conscience de ces créatures ailées, ces créatures qui, ne supportant plus les mauvaises odeurs des bas-fonds, et subissant le grand dégoût, se trouvent devant l’alternative de s’embourber et de se noyer ou de le surmonter et de s’élever ?

À la vérité, les albatros planent dans les ailleurs, mais répandent eux aussi leur liquide. — Là-haut, ils sécrètent tantôt des larmes esseulées et chagrines, tantôt des torrents impétueux et joyeux.

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