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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour février 2016

Cure de rire

Cure de rire

7 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / kennykiernan

 

La société n’a-t-elle pas besoin d’une cure systémique à la mesure de l’ampleur de ce qui l’intoxique ? J’entends ces éléments délétères de la culture, de l’éducation, ces idées néfastes, ces opinions mauvaises, cette humeur noire : ces préjugés, ces systèmes de pensée défaillants, obsolètes, négatifs — toxiques.

Ne faut-il pas édifier promptement en face de ces montagnes de désordre et de morbidité déferlant dans les veines, des remparts encore plus élevés, des digues protectrices, et à cette fin, se servir de briques robustes — des briques de savoirs, de sagesse, de volonté — et user de « principes actifs » forts et raffinés ? Et ne doit-on pas favoriser la synergie de l’ensemble et lui apporter solidité et cohérence en y incorporant un ciment éthéré, un liant gai ?

Car ce rire sage, ce rire qui s’autorise à l’occasion de doux accès de petites folies, de fou rire, ne constitue-t-il pas l’un des plus grands remèdes de la « médecine » pour les maux de la condition humaine ? Ne fait-il pas vraisemblablement parti des plus nobles, de ceux dont on n’appréhende pas les effets secondaires, dont on n’est jamais rassasié ?

Mais alors, pourquoi ne se décide-t-on pas à rompre l’habitude d’une existence qui ordinairement ne fait pas « la part belle » à l’un de ses constituants essentiels ? Pourquoi ne se désintoxique-t-on pas d’une vie qui néglige un « principe » primordial, d’une vie qui délaisse une substance contribuant pourtant à sa vraie vitalité, à son futur, à sa viabilité ? Comment se fait-il que, de ces soins, de ces bontés, de ces dons prodigués par la nature, que d’un médicament aussi pur, on n’en a cure ? Par quel mystère fait-on si peu de cas d’un tel soutien, d’un ami intime d’une pareille qualité, d’un compagnon de route si généreux et salvateur qui soulève, élève, et nettoie l’âme de sa misère ? En définitive, par quelle folie en est-on arrivé à cette attitude indifférente, à cette manière de vivre qui, par sa posture, méprise l’auguste Rire?

Et n’est-il pas venue l’heure de fonder ces établissements bénéfiques pour les intoxiqués, et de promouvoir les séjours thérapeutiques au cours desquels l’art de rire serait justement estimé, et enseigné ? Dans ces lieux propices à la grandeur et à la joie, on inciterait à sonder les profondeurs du rire, à en faire bon usage, comme on fait une cure de fruits, de vitamines, de lecture, de soleil. Là, dans ce temple de la gaieté, se croiseraient puis se mêleraient les grands accidentés de l’existence et les âmes dans la pleine force de leur santé ; les eaux troublées et les eaux claires, les airs viciés et les airs frais, tous les éléments, toutes les essences, s’uniraient et danseraient ensemble ; et durant cette valse non apprise, pendant cet élan, cette bouffée de spontanéité, au moment où le naturel, où la nature tournant sur elle-même grisée, se laisserait aller à sa plus simple et à sa plus pure expression, la belle humeur — l’humeur riche, l’humeur intense, l’humeur multiforme et multicolore — révélerait son corps délié, son caractère et sa conduite désinhibés et serait transmise par des enchaînements de coups d’« éclat » ! Au sein de cette atmosphère fière et humble, enthousiaste et rassérénée, c’est dans une allégresse des grandes fêtes que l’on causerait de science, de philosophie, de poésie, de voyages, de l’humain et du cosmos, de la joie et des souffrances, de la ravissante vigueur et de l’affliction formidable, de l’espoir et du néant, de toutes ces choses primordiales et du rien, que l’on plaisanterait sur les misères de notre condition, que l’on sentirait à la fois l’ivresse des abysses et celle des cimes, — que l’on laisserait s’échapper des cœurs et des yeux les larmes de tristesse tout en pleurant de rire !… Oui, on pleurerait d’un œil et rirait de l’autre !… On ressentirait l’onde du grand frisson se promener, remonter tout au long de l’échine et déferler sur l’esprit… On interpellerait les minutes, on les saisirait au vol tous ces moments favorables, toutes ces heures fugitives ! — on prendrait du bon temps !

Ainsi donc, l’Humanité ne devrait-elle pas être soumise à une vaste cure de désintoxication ?

Et ne devrait-on pas ériger sans tarder un temple au Rire tutélaire ?…

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Idoles, valeurs et théorie alchimique

Idoles, valeurs et théorie alchimique

6 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Studio-Annika

 

L’horloge s’anime, le glas retentit,

Regagnez vos laboratoires !

L’aiguille s’agite dans les cœurs, vous pointe du doigt,

Oui vous ! les nouveaux alchimistes ! — en quête de valeurs naissantes, d’une culture transmutée.

 

Pouvoir, célébrité, richesse, faste, apparence, toutes ces choses, entités, formes gonflées, creuses, sont les idoles de nos sociétés.

L’alchimie depuis les temps immémoriaux considère la transformation des métaux.

Les esprits libres, les créateurs de culture « oeuvrent » pour — évoquons au passage Le crépuscule des idoles de Friedrich Nietzsche — la « transmutation des valeurs ».

Les inégalités se creusent, les « traits de fracture » de nos organisations sociétales se complexifient, s’aggravent, la dignité humaine est piétinée, le bon sens aveuglé, fourvoyé, les mœurs sont dépravées.

La terre peut s’essouffler — que dis-je —, suffoquer, les âmes humaines s’aliéner, se déchirer, qu’importe !

Tant que nous avons nos idoles ! notre pain et nos jeux !

– « Mais la pensée industrielle, le mercantilisme effréné, l’égoïsme, la puissance incontrôlée et la vision limitée, fragmentée ? »

– « Qu’importe ! »

Naturellement, il ne s’agit pas ici de réaliser la pierre philosophale ou de découvrir la panacée et autre élixir de longue vie, mais plutôt de prise de conscience, d’engagement et d’action.

Sculpteurs, potiers, peintres — de valeurs, d’une culture nouvelles —, jardiniers — d’une société future plus viable, épanouie —, artisans, agents — d’idées émergentes, de transformations, de transmutations —, où donc résidez-vous ? Et ne souhaitez-vous pas vous faire signe ? des signes, des connexions en abondance, authentiques, multiples, joyeux, bruyants ?

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La sottise foudroyée

La sottise foudroyée

5 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / grynold

 

La sottise menace l’humain d’un effondrement fatal car ce dont il est question, c’est de l’avenir de l’humanité, de l’esprit du monde.

Dans ces circonstances, les belles paroles tout ornementées ne suffisent pas ; les tensions et les luttes entre les différents éléments tentant de s’incorporer à la culture doivent être davantage « ensanglantées » : c’est à mains sinistres qu’il faut livrer bataille à la médiocrité — que l’on résiste à l’ineptie humaine ! En conséquence, il est requis que les lames soient incisives, que le sang jaillisse ; autrement elles ne feront que traverser l’eau… et les ères… Il est demandé à la république des lettres et à celle des arts de préparer, de réanimer leurs nouveaux combats chevaleresques : il est question d’épées obèses devenues pataudes qui sortiraient de leur fourreaux rouillés et s’affineraient ; du tranchant qui s’affilerait. La pensée doit se faire infiniment plus pénétrante : qu’elle morde, ou bien qu’elle subisse l’assaut et périsse sous les coups de l’indolence et de l’indifférence. Car seule la noble surface, la pointe pure, est en mesure de refléter parfaitement la lumière et, avec le secours d’une grande sûreté de main — une sûreté de chirurgien ! —, peut permettre à la vérité d’éclater, à la réalité de s’imposer ; elle seule peut faire que les ténèbres soient transpercés — c’est par son éclat et par ses éclairs que ce ciel toujours plus obscurci et que cet avenir toujours plus lugubre pourraient connaître leurs aurores, leurs illuminations.

Des connaisseurs de la haute culture hardis, habités, animés par des instincts et des vertus guerriers sont convoqués : des âmes qui contrastent avec une aristocratie des lettres aux mains coquettes, molles, frêles — dénaturées, débilitées. Le combat contre le maintien du statu quo et les unités d’informations destructrices réclame des êtres osant saisir le sabre des mots, des combattants sachant magner leur masse, des évaluateurs fins, de délicats appréciateurs de densité, en somme, des experts de la balistique du verbe ! — une balistique intérieure qui serait maîtrisée, afin de canaliser cet excès, cet accès de vigueur et de déchaîner l’illustre fureur, dans les cerveaux en feu de ces « indignés » ; et une balistique extérieure qui serait rendue optimale, pour une efficience pleine, pour que l’« expression » atteigne sa cible !

Que résonne dans un silence de mort un cliquetis d’épées, de mots. Que ce silence régnant dans l’insouciance et l’« inconscience » de cette pensée creuse soit brisé, tranché. Que les idées — les lumineuses et les sombres ; toutes les couleurs et toutes les dégradations : l’infinité des nuances — s’agitent, s’entrechoquent, — échappent à la lugubre léthargie. Leur sonorité plurielle, ambivalente, bipolaire doit être entendue — plutôt « les saillies, les oppositions, le cliquetis rapide de la conversation » (Stendhal) que le silence de l’infâme pénurie, — que ce cliquetis de chaînes. Plutôt la chaleur de la confrontation, le clapotis d’un sang plein de vie qui coule et se répand dans les « champs », c’est-à-dire dans les domaines de la connaissance, que ce silence impur et glacial qui pétrifie en abreuvant, en aplanissant les circonvolutions et les sillons — que ce silence qui gèle les consciences, et suspend la vie comme on accroche un lustre poussiéreux au plafond… comme on dispose les condamnés au gibet.

Dans quelle sphère réside et évolue la responsable ? Où donc se tapit l’ennemie ? — L’ineptie s’est installée dans le cœur même de nos sociétés ; et la voilà qui se promène dans le grand jardin négligé, sur cette Terre laissée à l’abandon, au sein de l’esprit de notre propre culture insensée, de cette entité en état d’inculture.

Quand les canons seront-ils déployés ? Quand assiégera-t-on celle qui assiège, et l’écrasera-t-on, la foudroiera-t-on ? Révoltés, hérétiques, baïonnette au canon ! Faites gronder l’indignation ! Lancez l’offensive du bon sens ! Détonnez et faites détoner la poudre ! Plongez dans le sein ! visez le cœur ! — mais surtout faites mouche !

Et pour celles et ceux qui se posent encore la question : « Pourquoi tant d’acharnements, tant de fracas, tant de violence ? », je leur répondrai ceci. — Parce qu’au milieu de ces flots porteurs de ruines, de ces vagues qui déferlent et qui pourtant, par un phénomène inimaginable, bercent, il n’a jamais été aussi nécessaire d’opposer aux « douces » manifestations de la stupidité, à ce désordre ambiant devenu imperceptible aux oreilles assommées, un son d’un autre type, sain : une déflagration sereine dans sa posture, assurée dans sa démarche, élancée dans son allure.

Ainsi donc, un grand coup doit être porté, ne le pressent-on pas ? Un coup qui permettrait à l’esprit de se ressaisir ; un coup qui sonnerait… qui réveillerait… qui éveillerait !…

Las ! on confond sans cesse ces deux sons. Et certains m’accuseront même de contribuer aux progrès et au succès du premier ! Mais de cela, faut-il encore s’en étonner ?

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Liquide, explosibilité et vérité

Liquide, explosibilité et vérité

4 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Igor Zakowski

 

Le cerveau baigne dans le liquide cérébro-spinal qui le protège des chocs, des infections, transporte les hormones, les nutriments, et participe à l’élimination de substances toxiques.

De même, l’esprit est enveloppé par le liquide de la raison. Tout comme le liquide cérébro-spinal : il protège des dogmes, des préjugés, de la culture de masse, du virus du conformisme ; il véhicule le bon sens, l’esprit critique, les matériaux pour des constructions nouvelles, les messagers — qui assurent la liaison entre l’imagination, les sensations, les ressentis —, et il évacue les pensées inadaptées et défavorables.

La vérité est connexe à la raison et constitue le troisième liquide mental, quoique plus subtil, plus indéfini, plus insaisissable, plus vaporeux. C’est une solution très inflammable qui circule à l’intérieur du tube à essai du crâne. Lorsqu’on l’échauffe de manière excessive avec les becs Bunsen de l’intrépidité, elle peut déclencher des méningites, ou bien exploser et, se faisant, il arrive que d’innombrables tessons acérés se plantent dans les esprits et même, blessent, dévastent ceux qui l’entourent. Certaines âmes, les plus fragiles — parfois les plus délicates aussi —, peuvent alors perdre l’oeil interne de leur raison — déchiré ; comme une lueur qui a été consumée par une inflammation extrême, — foudroyée. La vérité peut rendre aveugle et fou.

Les consciences les plus vigoureuses, résistantes, les plus déterminées — parfois simplement les plus épargnées par les aléas —, poursuivront leur chemin, pour quelques-unes à tâtons, animées par un sentiment élevé, éclairé par une vision « haute » teintée de rouge.

Chimistes et alchimistes aguerris de l’esprit, âmes élevées et valeureuses, qui évoluez par bourrasques ou bien par tâtonnements, vous étiez prévenus ! — La vérité peut blesser, elle est explosive !

 

 

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Bêtise et traitement ou cavités et luminothérapie à ciel ouvert

Bêtise et traitement ou cavités et luminothérapie à ciel ouvert

3 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / everythingpossible

 

Certaines situations, certains états, réclament des mesures considérables. J’ai écrit (« Monde débilité et débilitant, la bêtise et les deux chocs ») qu’il y a des « folies » au sein de nos sociétés actuelles qui nécessitent des « trépanations modernes »1. Il est manifeste que nos cultures modernes gagneraient à être soigneusement soignées, à bénéficier d’un amendement complet. Et n’allez pas croire, de grâce, que je sombre dans un optimisme béat ; ou encore, dans la croyance naïve en une doctrine qui considérerait le bien commun comme la chose souhaitable et tangible ; ou même, et cela serait encore pire, et si éloigné de la réalité, dans l’insondable déraison des systèmes et des procédés eugéniques extrêmes, lesquels sont à la fois extravagants et méprisables ; mais il faut le dire — permettez-moi de le faire — : des mesures très énergiques s’imposent — il est des maladies aiguës, des affections, des états physiologiques dépressifs, des crises, des « états de choc », qui ne peuvent se passer de l’électrochoc.

Ainsi, ne faut-il pas éclairer cet esprit obscurci, embrouillé, cette entité errante, aveuglée, cette conscience, cette automobile, ce navire sans phares, effarée — et si les circonstances le requièrent, si l’obscurité est par trop épaisse, être prêts à utiliser des moyens exceptionnels… à convoquer la foudre ? Les exigences de la situation sont univoques et on croirait l’entendre hurler : « Il faut en venir à un éclat !… à des éclats même : de tonnerre ! de stupidité !… Il faut fragmenter la bêtise et lui ramener les pieds sur terre à cette pensée insensée, maladive, nocice ; la décadence doit être rivée au sol si cela est réclamé, et une coloration vive et neuve doit être amenée sur Terre ! À cette fin, on disposerait sur les innombrables tables d’opération occupant des hangars vastes comme le monde, des cerveaux « ouverts » sur lui ! — et forcés de le faire ! Et tout autour de ses consciences qui écloraient, de ces surfaces, de ces cavités à ciel ouvert, s’agiteraient en nombre, dépassant des tabliers blancs, les petites mains de ces augustes médecins de l’esprit manipulant leur lame éclairée, leurs idées lumineuses ! »

Dès lors, il serait possible d’assister à la grande chirurgie, à la thérapeutique profonde et authentique du formidable « mal » de l’esprit moderne, à une opération, à une « intervention » humaine et bénéfique (oui, les deux adjectifs peuvent être apposés et les deux termes coordonnés : cela est autorisé et même, possible…) d’envergure ! Et nous serions les premiers témoins, combien privilégiés, de la mise en oeuvre de ce traitement novateur, de cette « luminothérapie » curative puissante, incisive et bienveillante ! Une médecine universelle et équitable serait disponible, et les systèmes nerveux accourraient en foule, gambadant en se rapprochant afin de se réchauffer au contact du doux rayonnement laser, se bousculant joyeusement pour bénéficier des progrès notables de la « technique », pour jouir de ce remède souverain, de cette neurochirurgie salvatrice contre la bêtise humaine !

Malheureusement, car il y a toujours un mais, il y a des éclats2 que la nature, le hasard et l’évolution ont rendus à peu près indestructibles : j’entends ces fragments de plantes en touffe que l’on a beau inciser, séparer et exiler — ils sont toujours prompts à exploiter la moindre occasion, comme subissant une impulsion impérieuse, comme obéissant à un impératif inscrit dans leurs gènes, pour jeter une nouvelle fois leurs racines sur les sols puis sous la terre, et, en définitive, pour s’épanouir encore davantage.

Mais qu’importe ! Cette Bêtise peut bien aspirer à s’éparpiller avec constance, et à coloniser toujours plus les espaces : elle recevra elle aussi, quand arrivera son tour, son traitement !… Toutes les énergies volontaires et conscientes seront réunies, et on se servira, s’il le faut, de l’ensemble des camisoles de force disponibles en vue de collecter tous les fragments, et de la faire monter enfin — la coupable ! — sur le billard…

 

  1. « […] il est des folies contemporaines qui réclament des traitements de choc — à la hauteur de l’état de choc et des enjeux actuels —, qui requièrent des topiques, des patchs systémiques, voire des “câblages” nouveaux, fonctionnels, des trépanations modernes ! »

  1. Éclat est ici pris dans le sens de : « Fragment d’une plante en touffe muni de racines, qui, replanté, se développe et donne une autre touffe » (Ac. 1992).

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Bêtise, parasite mental ou Cuscuta

Bêtise, parasite mental ou Cuscuta

2 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Wirepec

 

Il est des plantes qui, par leur silhouette grêle, par leurs petites fleurs pourpres et leurs fruits innocents, déambulent d’une allure légère et s’épanouissent sous l’apparence de la fragilité et de la candeur.

Les préjugés, les interprétations superficielles, les convictions empruntées, toutes ces éclosions par trop hâtives du jugement, sont telle cette cuscute des clairières. Elle s’enroule sournoisement autour des circonvolutions mentales, s’y enfonce, s’y emmêle et s’y ramifie, corrompant systématiquement et de manière systémique, par ses nouveaux circuits ainsi que par ces réseaux émergents et dévastateurs, le tréfonds de son hôte : ses sources vitales, ses pensées les plus nobles. Il en résulte, fatalement, une conscience et une raison qui se vident, s’anémient, s’étiolent — consciences infiltrées, parasitées, dépravées.

Vous les esprits libres, les plantes médicinales ! préservez vos « principes » pharmacologiques ! gardez-vous de la cuscute des champs mentaux ! Prenez garde à cette mauvaise herbe, à ce chiendent qui croît toujours, et qui hante les cœurs et dévaste les âmes, — qui dénature la vie même de l’esprit ! Gardez-vous de ces tiges grimpantes, de ces tigresses qui voltigent ! et de la bassesse de leur « nature » ! Car cette bassesse veut communiquer ses forces de vie descendantes, et elle « sent » la vulnérabilité de son hôte potentiel ; elle détecte sa faiblesse volatile ; elle voit la pâleur maladive de sa volonté ! — et cette pâleur funeste, c’est cela même qui attire le végétal infernal !

Les fleurs aux multiples couleurs accouchent d’une ombre. Les petites graines se dispersent en nuée, et elles sont résistantes ! À même le sol ou dans les « conduits » souterrains les plus sombres, elles attendent patiemment leur heure. Et déjà le moment arrive ! déjà la germination a lieu, et bientôt la cible est en vue, tout élancée dans sa naïveté, éclatante et imprégnée d’insouciance comme peuvent l’être les dernières clartés à l’aube du crépuscule du soir. De trop tôt pour qu’elle en prenne conscience, il devient vite trop tard pour se séparer de l’étranger qui s’est agrippé puis mêlé au soi : l’alternative semble comme passée pour cette âme, quand bien même elle souhaiterait s’extirper, se dégager, — se séparer d’elle-même !

Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que des esprits plus vigilants, plus vigoureux et plus éclairés prospèrent ? Pour voir s’épanouir des cultures, des terres mentales plus saines, plus sages et plus libres ?

L’essor de l’information, le développement foisonnant de memes inédits et l’explosion des moyens de communication transforment la culture, les « paysages psychiques », — la nature de la nature. Toute cette agitation, toute cette folle frénésie favorise la germination des graines nobles, mais aussi de celles plus dévastatrices : au sein de cette époque pleine de promesses, c’est aussi la prolifération de la Bêtise qui poursuit son oeuvre en répandant sa substance, sa peste, et, ce faisant, en vidant foncièrement et très substantiellement la sagesse de son essence.

Car elle a également soif de conquêtes, l’impératrice ! Elle aussi aspire à s’étendre, à se déverser, à assouvir les instincts et les passions de cette sève vitale qui monte… qui la porte… qui la transporte vers de nouveaux ailleurs. La dame s’éveille et s’anime, le besoin et l’envie excitent sa nature, et voilà que se déchaîne la créature rougeâtre ; elle se déploie, et lance vers le proche comme vers le lointain ses filaments et ses écailles, elle dissémine sa volonté, ses filets impérieux, elle impose son hégémonie, elle envahit son futur proche ! — elle veut satisfaire son désir de puissance ; en colonisant les espaces, en s’infiltrant dans le tissu du temps et dans le cerveau des peuples — les propriétés de sa substance lui permettent même de pénétrer le bois le plus dur, le matériau le plus fiable, la matière la plus noble ! —, c’est sa survie qu’elle entend assurer, c’est sa pulsion de vie qu’elle désire rassurer et soulager !

Mesdames, Messieurs, voici venue l’heure formidable, la grande époque, celle d’une germination inimaginable ! Et avec elle, l’heure de la grande question. Au milieu de ces paysages qui se complexifient, de ce fond et de cette forme qui se renouvellent sans cesse, de ces transformations continuelles, de ces métamorphoses perpétuelles, de ce tableau qui se dessine sous les doigts et qui, simultanément, forme ces mêmes doigts, parmi ces mains floues, ces lignes humaines qui s’agitent et ces contours qui nous tracent, au sein de cette « cécité mentale » généralisée, favorisera-t-on les « jeunes pousses » porteuses de véritables promesses, les semences génératrices, les processus créateurs d’énergies nouvelles et d’espoir, ou bien les plantules assoiffées : ces armées au service de la pensée décadente qui vampirisent, qui dégradent, qui sèment la déchéance ? Je veux dire, réunira-t-on toujours davantage les conditions atmosphériques « optimales » et les propriétés du sol « nécessaires » en vue des stupéfiantes floraisons, des épanouissements inouïs ? En somme, privilégiera-t-on l’immense Sottise : le Parasite et ses suçoirs ? — Et continuera-t-on à se délecter du fruit défendu ?…

 

Où donc esquisse-t-on ce prodigieux jardin « cultivé », clair, gai, ce jardin élagué, ennobli, débordant de santé, ce jardin où croît et florissent une végétation viable, sûre et élevée ? Où évoluent-ils ces artistes horticulteurs ? Et va-t-on enfin l’aider à germer, ce coin de paradis rempli de « clartés », de beautés, — regorgeant de tout ce qui est nécessaire à la vie ? — ce lieu plein ; et prodigue de ses délices, ô combien !

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La pièce, la qualité, la machine et le vide

La pièce, la qualité, la machine et le vide

2 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / wildpixel

 

Les idées communes limitantes, les conventions, les systèmes — sociétaux et de pensée — rigides, imposés, façonnent et huilent les rouages — les « âmes dentées » —, et perpétuent le « bon » fonctionnement de la « Machine-Société ».

Notre système éducatif, nos modes de vie, nos illusions encouragent la production de masse, favorisent la prospérité de la « pensée industrielle ».

La qualité des « pièces » humaines est assurée par la standardisation, l’uniformisation, la spécification : ces bourrasques d’air vicié qui soufflent dans la grande usine.

Considérons le modèle de la restauration rapide : votre hamburger, vos frites, vos sauces, votre boisson, l’aspect de la salle, l’uniforme des employés, « tout est standardisé1 » rappelle l’auteur anglais Ken Robinson — expert dans le domaine de l’éducation et de la créativité — dans l’ouvrage L’élément.

Le diabète, l’obésité peuvent sévir, qu’importe ! — « […] du moins la qualité est-elle garantie1 » !

Idoles, croyances, société de consommation, programmes scolaires, conformisme, peur permettent le bon déroulement du processus de fabrication en vue de la réalisation de pièces de qualité.

L’esprit industriel imprègne les écoles, la culture, la nature même des existences humaines. Nos manières de penser et d’agir sont conditionnées, instrumentalisées, par la grande machinerie sociétale.

Les crises sanitaires de nos corps mais aussi de nos esprits prospèrent, l’ignorance prolifère, nos sociétés se « fracturent », les individualités, les identités se dissolvent et se perdent mais, au moins il nous reste la qualité ! Celle qui assure la pérennité du modèle, du système, la vigueur et l’épanouissement de la minorité toute-puissante, et la « grande » marche en avant de l’humanité : son immense élan vers un futur éclatant — propulsion impétueuse, rectiligne, vers la grande promesse… le vide ! le précipice ! le grand mur du vide !…

Mais à qui peut-on en vouloir de ne point apercevoir le vide ? Cela ne nécessite-t-il pas des organes particuliers ? Mais peut-être les possédez-vous, compagnons de route ! Ne l’apercevez-vous pas déjà ?

Ainsi donc, la froideur métallique de la pièce a imprégné les cerveaux ; les âmes sont trempées ! Ne sondez plus l’avenir : la transformation a déjà eu lieu, — l’humain s’est déjà fait machine ! Ne l’apercevez-vous pas ?

Nul doute qu’à défaut d’entrevoir, certaines oreilles fines entendront ces paroles qui tintent encore, ces pensées vibrantes jadis évocatrices, annonciatrices :

« — L’humanité emploi chaque individu, sans ménagement, comme combustible pour chauffer ses grandes machines: mais à quoi bon ces machines si tous les individus (c’est-à-dire l’humanité) ne servent qu’à les entretenir? Des machines qui n’ont d’autre fin qu’elles-mêmes, est-ce là l’umana commedia ? » (Nietzsche, Humain, trop humain I, « Idée noire » [1886].)

 

  1. Ken Robinson et Lou Aronica, L’élément [e-book] (Paris, Éditions Play Bac, 2013, 2009), empl. 4345- 4351.

 

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