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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour février 2016

Réalité et vérités — le visible et l’inconnu

Réalité et vérités — le visible et l’inconnu

29 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Evgeny Sergeev

 

Les vérités actuelles, celles que nous pouvons effleurer, percevoir, apercevoir, celles qui appartiennent au « domaine visible », c’est-à-dire plus ou moins discernables par notre esprit moderne, unissent intimement les teintes et ressemblent à cette vaste palette aux couleurs variées et mêlées, à cette échelle aux innombrables degrés, aux nuances infinies.

Ces certitudes du moment, ces connaissances et ces évidences relatives, ces croyances, portent en elles des mondes riches en matières, en déformations, en rayonnements divers. Des mondes dont le tissu est formé par des « matériaux » de toutes natures : les contradictions, les préjugés, l’inexactitude, l’incertitude, le proche et le lointain, l’éclat et l’ombre, — la raison et la folie.

Et n’est évoqué ici que le domaine visible, cet ensemble « accessible » à l’oeil humain ; je ne parle même pas de ces « couleurs » différentes que l’on ne sait pas encore regarder, entendre, sentir, ressentir, comprendre, imaginer… de ces tons, de ces propriétés, de ces configurations à la texture et à l’allure insoupçonnées, de toutes ces choses que l’on est incapable d’entrevoir — ni même d’oser entrevoir —, qui sont au-delà de notre horizon présent — et pour certaines, par-delà notre univers observable — et, par voie de conséquence, qui nous sont temporairement ou à jamais tout à fait étrangères.

Car en effet, il y a d’autres sortes d’infinis que celui du spectre de la lumière « blanche », bien d’autres types d’ondes, de rayons invisibles à nos yeux, de gammes de fréquences ignorées, — de réalités inconnues, de vérités dissimulées… tout autour de l’humain et à l’intérieur.

Tant de radiations, tant de spectres même attendent d’être mis en lumière. Mais comment espérer s’en rendre compte en restant prisonniers des dogmes, en désirant le confort et la sécurité des conceptions admises, des limitations, de ces cellules que forment les représentations, les abstractions, les prédicats et postulats individuels et collectifs ?

Notre culture, l’évolution, le progrès réclament leurs astronomes, leurs physiciens… J’entends tous ces êtres recherchant la luminosité et ne craignant pas l’obscurité. Des individus qui, face au soleil comme dans les ténèbres, entreprennent d’ouvrir l’oeil, — et bien grand, avec audace !

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Hallucination collective ou les esprits miragineux

Hallucination collective ou les esprits miragineux

28 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / lexaarts

 

Comment en arriver à ce que les individus se mettent à creuser les choses, à donner joyeusement des coups de pioche dans le linceul dont ils recouvrent le monde, à rassembler toutes leurs forces afin de lever un coin du voile de la réalité (pour infime qu’il soit), à tenter de percevoir par-delà les préjugés, au-delà de leurs représentations et évaluations habituelles, de leurs prémisses douteuses, incertaines, — à reconsidérer les fondements même de leur construction mentale, de leur petite cabane perchée sur des assises bien mal assurées ?

Quelles conditions réunir pour que l’on « saisisse » la grande mystification, le vaste grillage qui règne sur les existences et comprenne les limitations supplémentaires imposées aux sens, aux émotions, aux sentiments, à l’imagination — pour que l’on devine la nature complexe et fugitive de cette expérience en partie chimérique qu’est la vie ?

Et puisqu’il est question de nature : de quelles natures sont les circonstances les plus propices à la prise de conscience de cette géante main humaine, de cette main prodigue, libérale, de ces doigts charmeurs — auxquels on ne résiste ordinairement pas — qui caressent, séduisent, fascinent les âmes, qui, sur toutes les représentations, sur chaque impression sèment leurs étiquettes avec leur lourde voix grave : « Maintenant — je te nomme Présent !… Ici et là-bas — votre nom est Espace !… plus loin — tu es le Progrès !… Toi, je te vois clairement — tu es Vérité !… et toi je te sens distinctement — tu es Liberté ! »…

En somme, quels sont les moyens les plus sûrs, les procédés qui, en occasionnant leur effet, permettraient de détromper l’esprit de ces innombrables opinions insensées — ces convictions qui abusent sans vergogne de leur hôte —, de cette folie habitée par ces êtres de raison, c’est-à-dire par ces choses qui ne sont pas réelles, ces choses qui sont seulement des représentations, des créations de l’esprit ?

En tant qu’observateurs de ce spectacle accablant, est-il possible de ne pas s’émouvoir à la vue de ces chimères hurlantes s’engouffrant dans tous ces cranes, et, après avoir fait l’expérience de cette « vision » effroyable, de renoncer à charger et à faire des trouées dans ces cerveaux peuplés d’ombres, d’évaluations et de signes fuyants, — dans ces forêts luxuriantes de conviction-mirage enfantant leurs sociétés, leurs univers, leurs galeries souterraines ? — Sommes-nous en mesure de feindre l’indifférence devant toutes ces consciences qui se forment, devant toutes ces âmes obscurcies qui se déforment, — face à tous ces esprits miragineux qui pullulent et se fanent un à un ?

Beaucoup d’efforts et de temps sont consommés pour livrer des réponses, et encore davantage pour les avaler. Mais n’y a-t-il pas urgence à ralentir : à tout d’abord inspirer, à s’aérer et à déterminer les bonnes questions ? — La qualité des questionnements ne prévaut-elle pas sur la quantité des réponses ? A-t-on le temps, je veux dire prend-on le temps… ce temps nécessaire au recul, à l’élargissement, au mûrissement des interrogations ? Et si finalement les fruits les plus merveilleux étaient avant tout des points d’interrogation bénéficiant d’une maturation lente et exceptionnelle ? des signes de ponctuation grands, forts et redressés, des entités sereines de la plus haute qualité, de la plus belle pertinence, — de la plus élégante courbure ?…

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La pensée profonde et la merveilleuse réalité ou la nature de l’élégance et l’élégance de la nature

La pensée profonde et la merveilleuse réalité ou la nature de l’élégance et l’élégance de la nature

27 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Sakramir

 

Quoi ! il juge cette pensée superficielle, pauvre, laide, vaine !

Mais pressent-il la profusion de ses formes, l’infinité de son fond ? Pourrait-il concevoir qu’au-delà de sa linéarité apparente, ou bien de son illusoire « platitude », de la trompeuse restriction, de la fausse pauvreté de ses dimensions, se cachent, tapis dans les recoins de sa complexité, de la matière d’une diversité prodigieuse, des courbes d’une pluralité grandiose, des rayonnements éblouissants, des illuminations secrètes ? qu’au-delà du voile qu’il pose sur la réalité, un monde inouï se dessine, la nature transparaît : cette nature qui, timidement, à l’oeil disposé à faire l’effort de s’ouvrir, révèle l’inépuisable variété de ses charmes, sa prodigieuse diversité, sa merveilleuse élégance, — cette nature dévoilant ses lois harmonieuses et ses dimensions cachées ?

D’aucuns voient des images fixes, là où il y a des montagnes majestueuses, observent de vulgaires points jaunâtres, là où le désert étend ses incroyables dunes, examinent une immense étendue plane là où, accompagnant la danse des crêtes et des creux, d’innombrables gouttelettes s’élancent, se détachent et s’envolent. — Certaines réflexions sont vastes et profondes à ce point qu’elles abritent des mondes ; mais ces univers, on ne les aperçoit pas. Et pourtant, encore et toujours, catégoriquement, ils jugent ! — et remarquablement mal !

Somme toute, peut-être est-ce bien en cet endroit précis que réside le problème : un problème composé de deux phénomènes tout à fait emmêlés, d’un couple inséparable — un trouble de la vision, elle-même trop repliée pour comprendre, et un trouble du jugement, trop hâté, trop « irréfléchi » pour bien voir…

Considère-t-on suffisamment tous ces regards encadrés par les gigantesques murs de préjugés, tous ces yeux bornés qui transportent leurs oeillères, leurs illusions le long de ces sentiers sans fin, — de ses voies linéaires ?

Ces regards qui vident les nobles paroles de leur substance, de leurs aspérités, de leurs ondulations.

Ces regards ignorant tout des profondeurs de la pensée, de la beauté de sa nature, de l’élégance de sa courbure ; ces yeux souvent méprisants, qui méconnaissent profondément la nature même de ses attraits, — la nature de l’élégance.

Ainsi va le monde.

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Illumination et inclairvoyance ou le phare, l’éblouissement et l’aveuglement

Illumination et inclairvoyance ou le phare, l’éblouissement et l’aveuglement

25 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Hydromet

 

Certaines réflexions colossales, certaines oeuvres monumentales, certains somptueux édifices de la pensée éclairent tels des géants élancés, tels les plus grands phares.

Ces titans permettent à un nombre élevé d’âmes de mieux apercevoir et, se faisant, ils les protègent des impasses brutales, des creux de vagues d’une profondeur insoutenable, des fonds de crevasses et des sentiers de la perdition bordés de précipices.

Ces forces de la nature jettent un grand jour sur le vaste labyrinthe, sur ces drôles de bobines, sur les immenses emmêlements de neurones, de cordes, de pieds, de clefs, sur les méandres si tortueux de l’âme humaine — elles illuminent les voies obscures.

Mais il ne faut pas s’illusionner, aucune lumière propre à l’homme n’est pure : il n’est pas nécessaire de connaître chacune d’elles pour savoir qu’elles portent toutes en elles leurs zones d’ombres, leurs nuances défavorables, — leurs ténèbres.

À trop fixer ces êtres dans les yeux, ces créatures si brillantes, ces étoiles terrestres, le risque est considérable de s’abîmer dans l’aveuglement, le dogmatisme, et finalement dans l’inclairvoyance, la soumission et l’avilissement.

Que chaque randonneuse, chaque randonneur, éclaire donc son chemin avec les flambeaux qui lui sont indispensables ; qu’ils donnent de la clarté à leur caverne au moyen de ces sources de rayonnement vives et essentielles ; mais qu’ils se gardent des rayons trop obstinés, trop insistants, de ces ondes excessivement confiantes qui séduisent, de cette influence psychique, de ce « magnétisme » qui, à l’intérieur de ces sujets par trop réceptifs — lesquels ne voient pas les chimères envahir insidieusement leur conscience, sont inconscients du danger —, parfois sème le trouble en perturbant la raison, en altérant la « vision », — en étourdissant.

Ainsi donc, il est aussi primordial de lutter contre l’obscurcissement de l’esprit que de se défier de ce zèle pour le maître et le ton magistral, c’est-à-dire de cet aveuglement « magistral » qui opère sournoisement dans les âmes : cela, si l’on souhaite bien entendu échapper à l’égarement dans le brouillard glacial… — À l’intention des malades perdus, ce mot               « chaleureux » constitue ma préparation magistrale !…

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La symphonie des âmes singulières

La symphonie des âmes singulières

25 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Pitju

 

Ce que Kazimierz Dabrowski (avec sa théorie dite théorie de la désintégration positive1), Bernard Stiegler (mobilisant des concepts2 relatifs à l’emploi, au travail, aux révolutions numériques et au « pharmakon »), Mihalyi Csikszentmihalyi (lorsqu’il réfléchit sur la notion de « flow » — « flux » — et explore le domaine de la créativité3), Friedrich Nietzsche (quand il écrit que « la tâche de l’histoire est de servir d’intermédiaire entre eux [les géants, les génies], pour, ce faisant, constamment susciter et soutenir l’éveil de la grandeur4 »), Ken Robinson (dès lors qu’il encourage les individus à chercher et à trouver leur « élément5 »), Seth Godin (au moment où il intitule son ouvrage : « We are all Weird6 » — « Nous sommes tous singuliers » —), Richard N. Bolles (lorsqu’il crée et développe sa « Flower7 » — « Fleur » — comme outil pour la connaissance de soi, adapté au monde du travail) et tant d’autres essayent de porter en pleine lumière, c’est l’importance de l’individuation au sein des sociétés humaines.

Il est un fait : que chaque être aspire simultanément à l’individualisation, qui est une séparation, et à l’intégration (au groupe), qui est une union. Et comment pourrait-il en être autrement puisque chaque esprit ne devient lui-même qu’en acceptant et affirmant de jour en jour sa différence, qu’en se distinguant, — puisque ce n’est que par cette « distinction » qu’il est et devient ce qu’il est ?

Ce dont il est question, c’est d’une évolution favorable, d’une sorte de « désintégration positive » (au sens de Dabrowski) des anonymes, d’une transformation de cette foule en êtres uniques. Et cela ne peut se réaliser que par une forme de contribution, à travers un travail véritable — lequel est d’une nature complètement à l’opposé de celle de l’emploi, comme le montre de façon détaillée B. Stiegler dans La société automatique —, que par la mise en œuvre de leur propre existence en tant qu’oeuvre, et lorsque je dis : œuvre, je considère le terme d’après l’acception suivante : l’« ensemble des créations d’un artiste8 ». Mais oeuvrer nécessite de se réaliser soi-même et requiert au préalable une prise de conscience : de son unicité, de son individualité véritable — de sa singularité.

En outre, l’homme étant ce qu’il est, c’est-à-dire un animal social, l’enjeu se situe également sur un plan bien plus vaste que celui de l’âme individuelle. — Cela concerne la volonté des esprits à oeuvrer ensemble et pour l’ensemble, afin que, à la place de sons discordants, une symphonie se produise : cela implique de faire jouer et s’exprimer des unicités, non pas claustrées et séparées, mais évoluant avec un bel ensemble. Et cette évolution est tout à fait contraire à ce mouvement d’ensemble totalement réglé, ordonné et froid, ce mouvement qui, exilant les inclinations et les talents personnels, véhicule la froideur du mécanisme.

Une humanité qui se mouvrait telle une artiste donc, engendrant des créations, des productions authentiques ; une société davantage vivante, saine, épanouie, qui abriterait en elle, pour que cela soit réalisable, un processus favorisant un accroissement du degré d’individuation, — dans une globalité se complexifiant continuellement.

Mais pour cela, encore et toujours, l’âme doit d’abord se rendre compte de son essence particulière, de son individualité intime, de sa spécificité, de son exceptionnalité.

Ce développement de la personnalité, ce procès que j’évoque, est possible et probablement fort souhaitable car il donne la vie aux potentialités humaines tel un sculpteur animant la pierre (potentialités qui peuvent, certes, être nuisibles, mais aussi prodigieusement bénéfiques), il stimule le « connais-toi toi-même » et incite à la profonde réalisation des individus, à leur propre réalisation.

En somme, qu’est-ce donc qui est en jeu ? — L’avenir de ce que l’esprit possède de plus valable et, par conséquent, ce que la culture, l’éducation, les sociétés humaines réalisent pour favoriser son expression, ce que l’humain élabore pour permettre à ses éléments singuliers de s’épanouir et de s’intégrer au sein de ce système (que l’on souhaiterait viable et favorable) unicité-ensemble, — individu-société.

 

  1. Robert Zaborowski, « Kazimierz Dabrowski – l’homme et son œuvre », Académie Polonaise des Sciences, disponible sur :

    www.academie-polonaise.org/pl/images/stories/pliki/PDF/Roczniki/R9/zaborowski.pdf.

  2. Bernard Stiegler, L’emploi est mort, vive le travail ! [livre numérique], 2015 et Bernard Stiegler, La Société automatique : 1. L’avenir du travail [livre numérique], 2015.

  3. Mihalyi Csikszentmihalyi, La créativité (Paris, coll. Réponses, Éditions Robert Laffont, 2006, 1996).

  4. Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles I et II (coll. Folio/Essais, Éditions Gallimard, 1990), 155.

  5. Ken Robinson et Lou Aronica, L’élément [e-book] (Paris, Éditions Play Bac, 2013, 2009) ; et Ken Robinson et Lou Aronica, Trouvez son élément [e-book] (Paris, Éditions Play Bac, 2015, 2013).

  6. Seth Godin, Nous sommes tous singuliers (Les Éditions Diateino, 2011, 2011).

  7. Richard N. Bolles, What color is your parachute ? (Ten Speed Press, Revised Edition, 2014).

  8. Dictionnaire de l’Académie française, 9ème édition disponible sur

    www.cnrtl.fr/definition/academie9/oeuvre.

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Rire-pilier ou le rire supérieur

Rire-pilier ou le rire supérieur

23 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / imannaggia

 

Dans ces conditions, à cette heure où les crises et les périls flottent en nuée noirâtre au-dessus des têtes, où, « la comédie tournant au drame, le drame au cauchemar1 » on serait presque en droit de désirer ardemment que les piliers s’effondrent et que la voûte étoilée s’aplatisse, que l’orchestre funeste finisse son travail et achève les âmes spectatrices au moyen de leurs ondes ultimes, de leurs lames dévastatrices, — presque trop violente est la tentation d’espérer que l’anesthésie générale dans laquelle baignent les esprits cesse en subissant le grand Tranchant !

Écoutant continuellement le murmure de l’ironie, le souffle caustique, les ricanements sardoniques et nihilistes à l’intérieur de lui-même, l’individu pourrait invoquer la venue de l’ultime endormissement, afin que le vacarme assourdissant cesse… afin que toute cette agitation folle, toute cette frénésie d’âmes insensées, tous ces mondes chaotiques internes et externes, tout ce boucan d’enfer soient brusquement emportés au loin dans l’humble et apaisante mélodie des fuyants silences infinis.

Mais, ce faisant, il n’aurait rien compris : il se laisserait emporter par le « terme » insondable et insoutenable, par le « Nihilisme », le « gouffre », l’abîme de Jacobi2, se porteraient à croire qu’il ne reste plus de vérité morale et spirituelle, que plus rien ne lui est laissé à lui et aux autres ; il serait happé par le courant de la sensiblerie, aspiré par le tourbillon de l’âme qui fait l’expérience de l’état d’effondrement de l’humain, et il y croirait à cette annihilation ; surtout, il oublierait, ou bien sous-évaluerait dans des proportions inouïes, à la fois l’inestimable valeur du rire et l’incroyable puissance de la volonté. — Rire, certes, parfois troublé, mais rire tout de même ! — Volonté, par moment harassée, mais qui n’en est pas moins énergie vitale de l’esprit ! — rire-fleuve, qui unit le désespoir et le bonheur ; volition impétueuse et impérieuse de l’être, qui lutte contre l’immense « fatigue », et le pousse à poursuivre sa course, lui permet de ressentir l’enthousiasme de l’évolution, et l’évolution de l’enthousiasme à travers l’extase répétée des grandes chutes. — En ce sens : volonté et rire existentiels, piliers essentiels de la vie — lequels n’ont jamais été à ce point nécessaires, — à ce point vitaux.

Je parle d’une volonté qui veut véritablement « vivre » (au sens de Mihalyi3), et non pas simplement subsister. Et j’évoque un rire mêlé de la notion même de liberté, telles deux rivières partageant mutuellement leurs eaux. — Un rire qui se jouerait de la condition humaine, de la misère et de la mort : qui serait de cette manière en mesure de manifester en quelque sorte une « libération de représentations refoulées4 ».

Non, il ne s’agit pas d’un rire pour de rire. Je dis : Un rire pour de rire, et j’entends par là un phénomène physiologique lié à une interprétation faible et basse des choses, une interprétation qui manque de profondeur et de hauteur, et en cela de gravité ; je veux dire un rire ne provenant pas d’une conscience pénétrante et robuste, un rire qui, ne connaissant ni la dérision élevée ni la joie vraie, ne les prend donc pas au sérieux : en somme, une manifestation spontanée qui manifestement ignore tout de ce que sont les profonds « éclats » en altitude.

Oui, cela concerne une réalité opposée : un mécanisme avisé, éclairé, capable dans les plus indicibles tourments, dans les ténèbres les plus épaisses, les plus accablantes, de se détacher du corps, et, tout en planant au-dessus de lui, — de l’irradier d’une lumière douce, réconfortante, et moqueuse ! — de l’envelopper dans une clarté nouvelle et rieuse, de le couvrir de rayons qui, par l’ampleur de leur brillance, tantôt apaisent, tantôt irritent !

Car en effet, a-t-on jamais connu esprit plus auguste que celui qui est habité par le rire supérieur, que cet être parvenant à se moquer de lui-même avec bienveillance, et, possédant avec constance, le courage, la volonté de le faire ?

 

  1. François Mauriac, Journal.

  2. Nihilisme, « Terme indroduit en philosophie par F.H. Jacobi (1743-1819) […] » (Christian Godin, Dictionnaire de philosophie, 2006, p. 872.)

  3. Mihalyi Csikszentmihalyi, Vivre (Pocket Évolution, Éditions Robert Laffont, 2004, 1990).

  4. Freud, d’après Christian Godin, op. cit., p. 1158.

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Onde, feu et salamandre

Onde, feu et salamandre

22 février 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / shadow216

 

L’adaptation au milieu, propriété que l’on dit partagée par tout ce qui vit, requiert, aujourd’hui plus que jamais, des amendements considérables (en ce qui concerne leur valeur et leur importance) — elle nécessite des propriétés nouvelles.

L’onde impure du « Progrès » répand le désordre, la confusion, le chaos, dans une conscience dispersée, percée, diluée…

Les cognements répétés du crâne contre des murs toujours plus durs, terribles, ont engendré un formidable ébranlement et un raz de marée planétaire, lequel se lève maintenant au-dessus de la chaudière de l’âme, surplombe sur elle ; l’énorme vague veut envelopper sa cheminée, étreindre son feu, — lui témoigner son affection jusqu’à la suffocation. Pourtant, l’Humanité ne peut survivre sans la majestueuse, sans la noble flamme de son esprit : elle éternuerait, prendrait froid ; elle serait saisie par des vents glacials, gelée par ces variations atmosphériques fatales.

Mais certains ne peuvent supporter l’ardeur du foyer ; même, ils ne semblent pas ressentir sa necessité. Dans un mouvement absurde et contre-nature, ils préfèrent ordinairement s’en éloigner, et s’enfoncent dans la nuit sibérienne.

La salamandre, croyait-on, pouvait vivre dans le feu.

Eh bien, c’est de cela dont l’esprit a besoin à notre époque ! — de caractéristiques, de qualités, de facultés inédites ainsi que de chaudrons vaillants et hurlants ! — Et s’y jetant gaiement, dans ces hauts-fourneaux, dans les entrailles de la pensée, — rejoignant les terres de Vulcain : des âmes hardies, des exploratrices du réel… des natures incroyables, des entités fabuleuses. — Des créatures qui, en se rejoignant, constituent et alimentent cet « esprit du feu » se ravivant, se réanimant, — reprenant son sang-froid, son souffle, ses esprits…

Fulminez chaudrons ! car j’entends déjà la nuée bouillonnante s’animer ! Chut ! elle se prépare pour le grand saut, pour la prodigieuse chute libre… je les entends qui approchent… ô je les vois faire irruption ! — Comme elles sont énergiques et ravissantes avec leur belle petite robe tachetée ! — Qu’elles sont magnifiques toutes ces salamandres humaines !…

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