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Les cultures requièrent de nouvelles tables de valeurs et, par voie de conséquence, des sculpteurs originaux. Des volontés dures comme du granit et pointues, des âmes tranchantes qui tracent des traits, des formes, des figures inédits sur des pierres nouvelles, qui gravent les caractères, l’inscription « évolution viable et gaie » dans chaque tranchée, sur chaque dalle de toutes les fondations, de toutes les constructions, de tous les édifices actuels et futurs — car évidemment les bases sont indispensables, mais ce qui importe encore davantage, c’est la nature de ces bases, c’est la qualité de l’ensemble des principes qui les fondent ! c’est le fondement des bases !
Les sociétés nécessitent absolument la présence de grands législateurs, de ces êtres qui déposent des lois neuves, véritablement saines et durables, hautes, dans des sillons marqués.
En vérité, les outils sont disponibles — ils ne manquent pas dans nos pays ; mais ce qui fait défaut, ce sont bien davantage les ouvriers, les artistes, les chirurgiens ! Ce sont les regards, les yeux neufs. Toutes ces mains pâles, ces pattes ! tremblantes et flasques ne savent ni ne peuvent saisir les manches trop rudes et brûlants des outils : à peine les effleurent-ils, leurs doigts s’y blessent toujours ! Et s’ils insistaient ? — Ces personnalités maladroites et fragiles s’écorcheraient toujours plus, se calcineraient, se briseraient ! Les influx nerveux, les énergies psychiques sont timorés, atrophiés, courbés ; les caractères, les déterminations sont amoindris — tout cela engendre des lames, des âmes molles pour des tâches inconsistantes, vaines. Mais a-t-on conscience de la dureté de l’aiguille, de sa lame d’airain qui plane au-dessus des existences et s’abat sur sa proie, de son visage sévère qui dévisage en dissimulant son sourire le plus sournois ? de son rire noir, aiguisé, funeste qui fend avec sa mâchoire d’acier, sa mâchoire de géant illuminée vibrant au rythme du tic-tac infernal ?! Où donc s’exercent et évoluent ces bras renforcés, ces membres vigoureux, bâtisseurs faits pour les augustes tables ? Où résident les nobles artisans, les « instruments » altiers, les grands affirmateurs de l’existence ? les esprits créateurs, — les « agrandisseurs », les amplificateurs de la vie ? Dans quels ateliers évoluent-elles, ces volontés fortes, ces diamants de la plus belle eau, ces burins fondateurs, ces aiguilles qui osent défier la lame du temps, qui aiguisent même le tranchant de son sabre ! ces aiguilles graveuses… d’espoir, de joie, de vitalité ?…