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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour janvier 2016

Éducation et dressage

Éducation et dressage

24 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / adekvat

 

Les piquets humains doivent se tenir bien droit : les vastes structures sociétales réclament      « un bon “maintien”, une “stabilité endurante”, persistante », nous disent les architectes.

Les cerveaux sont aplanis, les aspérités expurgées, amputées, les différences gommées : les esprits ondulés, refroidis comme de la tôle, sont dressés, les « circonvolutions » lissées et lustrées — société aux mille reflets, affectée ; kaléidoscope humain terne, désaffecté.

Il règne dans nos groupes sociaux un instinct et une organisation grégaires, « idoines » ; les individus sont bien réglés, positionnés sur des couches sociales disposées selon un « dres-  sage » conforme, — ad hoc.

Les comportements, les modes de pensée sont spécifiés, formatés, régulés : le spectacle peut se déployer grâce à ses animaux de cirque, à ses grands singes dociles, ces consommateurs façonnés, ces esprits stupéfaits. — Le domptage est parfait, le charme opère.

Car en vérité, ce qui se déploie aujourd’hui c’est bel et bien cette société du spectacle avec ses diverses formes de dressage, de conditionnement, d’apprivoisement, lesquelles constituent les types les plus vils de l’« éducation » : formation de type formatage, assemblage des matières et des préjugés à la chaîne ; philosophie de la forme, froide, — doctrine vide, dévitalisée de la pièce !

Cette grande fabrique mouvante, gesticulante se développe devant d’innombrables yeux ronds, lesquels sont hagards depuis l’enfance — symptôme, manifestation de la « longévité », du caractère persistant de cette machinerie théâtrale coûteuse —, depuis cette « bonne » éducation conventionnelle, ordinairement prêchée par la famille nucléaire, qui désintègre, qui « fissionne ». Ce dressage, ce chiendent qui se dresse sur et contre l’esprit, dans un progrès inversé se développe, prend racine et s’enterre — et accessoirement enterre — dans nos écoles. Il prospère dans les universités, à travers les titres, les diplômes, lesquels permettent finalement l’« épanouissement », la mise en oeuvre des fonctions assignées — mais aussi d’une existence qui n’est dès lors plus une œuvre —, des rôles « utiles » et par là, l’expansion de la règle, du statu quo, de l’engourdissement. Ce que l’on permet, en somme, c’est la formidable floraison et la disposition correcte du bouquet final : des esprits fragmentés, compactés et une bêtise généralisée, qui englobe — une nature morte ! le bouquet du spectacle !

Et devant et à travers ces rôles, ces formes, ces lumières, ces « dispositions », ces illusions, la raison s’affole… Et pendant ce temps, certaines fleurs, parmi les plus élégantes et les plus nobles se fanent… Observateurs, observatrices avertis, reconnaissez-vous ces ronces artificielles, cette végétation épineuse et décadente qui s’épanouit ? Entrevoyez-vous, pressentez-vous ce spectacle verdâtre, malsain, purulent ? Et avez-vous les oreilles qui entendent ce cri qui s’élève dans les entrailles de la forêt ?… « Tirez le rideau, la farce est jouée ! »…

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Société bourgeoise

Société bourgeoise

23 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / vitanovski

 

Notre système éducatif, nos industries, nos marketeurs, nos politiques ciblent la classe moyenne, la norme, le plus grand nombre, la « règle ».

Ce qui importe ? ce qui fonde les comportements individuels ? — Tout ce qui alimente le sentiment de sécurité (psychologique, physique et matériel) et la sensation de confort, de plaisir immédiat. Ce qui est délaissé ? — Une existence plus élevée, plus noble, — c’est l’idéal, le savoir, l’art, la contribution, le partage.

Ce qui ordinairement fait peur ? — L’incertitude, le changement, la liberté, la responsabilité, l’engagement.

Et que réclament les individus en conséquence de tout cela ? La « tranquillité », le je-m’en-foutisme, la faculté de jouir de l’immobilisme, du conformisme, et des structures et des valeurs rigides, immuables : en somme, la possibilité et l’autorisation de renforcer le statu quo, de barboter dans la mare des apparences, la possibilité, que dis-je, le droit ! de servir les intérêts des « grands » architectes du système, de se fourvoyer, de se consumer lentement dans un marasme existentiel !

Et malgré tout cela il y en a encore pour penser que notre société n’est pas « bourgeoise1 » !

— Ainsi, prenons garde ! Prenons garde qu’au sein de cette atmosphère de carcan, accablante, oppressante, lugubre, qu’au cœur de cette désertification qui étouffe, de cette chaleur qui fige les esprits, que ce qui est perçu comme l’expression des individualités et la manifestation des libertés et de l’originalité est bien souvent un mirage naissant. Car de cela, de cette prise de conscience découle l’irrépressible désir de lutter : cette révolte de l’âme pour que sa propre unicité et celle des existences ne deviennent pas une réalité qui s’évanouit, une chimère de plus sur les terres mentales désertées. Mais d’abord, répétons-le, une chose est nécessaire. Gardons-nous d’être les premières bonnes dupes de cette illusion !

 

 

  1. Larousse, disponible sur

    www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bourgeois/10633?q=bourgeois#10498.

 

 

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Excès, indigestion et succès ou les cerveaux malades

Excès, indigestion et succès ou les cerveaux malades

22 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / julos

     Me croit-on lorsque je dis que l’on mange en excès, lit trop, écoute et parle bien plus que le nécessaire ? M’entend-on quand j’affirme que les orateurs déversent leurs flots de paroles vaines, leur trop-plein, par de mauvaises « conduites », que les écrivains sont victimes de la grande Nausée et vident leur plume comme le malade vomit son indigestion ? D’où ma stupéfaction lorsque je rencontre à chaque fois l’étonnement.

     Car — faut-il encore le dire ? — comment tous ces excès pourraient-ils ne pas produire un immense mal de crâne, une migraine généralisée, — une tempête dans les cerveaux ? Mais — et cela est tellement bien connu de certains ; et ignoré par la multitude ô combien ! — le succès de nos jours est ordinairement le camarade inséparable de l’excès. Dans cette société de la grotesque mise en scène, il faut bien se faire voir ; surtout s’afficher, s’étaler, prôner la montre ; on doit s’agiter dans tous les sens : « On doit toujours être prêt à vampiriser toute l’attention disponible si l’on désire exister », nous dit-on. Parmi nos communautés effrénées, dans ces consciences en effervescence, tourmentées, insensées, les girouettes et les cervelles folles sont les mieux récompensées !

     Les flots immondes mugissent et se déversent dans les « égouts des villes », provoquant un haut-le-coeur monstrueux, le grand dégoût des conduits « supérieurs », je veux dire de l’esprit distingué lui-même. Les canalisations mentales sécrètent et libèrent leur puanteur, leur caractère infect, leur vulgarité d’insecte. Les esprits sont en crise : les canaux et les artères principales sont souillés et rouillés, les « vaisseaux » sclérosés, ancrés ; des plaques se forment sur les parois, cependant que la lumière est exilée, et que le noble influx cherche sa     « voie », son précieux sillon, à travers l’incroyable fatras…

     Et pendant ce temps, l’ombre esquisse son sourire le plus éclatant à la vue du frêle esquif vacillant. Pendant ce temps, l’ultime congestion tapie au fond des eaux grandit, s’épanouit et menace…

     Mais — hélas ! ma naïveté ne me permet pas de ne pas m’en rendre compte —, au sein de tous ces déchaînements, au mileu de cette cacophonie, dans ce vaste théâtre où les murs eux même se bouchent les oreilles afin de ne pas subir l’orchestre infernal et les hurlements du public, afin de ne pas essuyer la profonde misère et de ne pas succomber sous les coups des béliers implacables, de ne pas être sapés et périr par les funestes murmures, est-il encore utile de s’évertuer à parler ? À quoi cela rime-t-il ? En effet, au milieu de cette formidable salle dont les voutes se lézardent et ploient sous la pression des vibrations endiablées, s’entend-on encore ? N’est-il pas ridicule même, pour les augustes paroles, de vouloir être perçues ? et ne l’est-il pas davantage de s’attendre à être comprises ?

     Dans ces conditions, peut-on désormais raisonnablement se demander si toutes les oreilles trouvent à notre époque leur « voix » intérieure, leurs propres sons — leurs nobles ondes ? Mais qu’importe tout cela ? D’ailleurs, à peine m’entend-on quand on me lit…

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Les tables de longévité ou l’« espérance » de vie et la table du Temps

Les tables de longévité ou l’« espérance » de vie et la table du Temps

21 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / lolostock

Il est essentiel de considérer davantage le bois afin de l’épurer, de l’ennoblir, et surtout de l’exploiter pendant qu’il est encore sain — avant sa dégénérescence.

Mais encore faut-il se ressaisir et, ce faisant, se saisir de ce temps alloué.

Encore faut-il ne pas fuir la vie, ne pas se sauver à toutes jambes à la vue des formidables tables de longévité ; et avec les nobles outils, avec des mains fermes, bâtir chaque existence, construire chaque table, pour finalement être en mesure de s’y asseoir sereinement, noblement, à cette surface altière de la Nécessité : pour pouvoir s’y délecter, pour jouir de la saine espérance, de sa propre volonté, de son propre mouvement — afin d’être capable de s’inviter à dîner, d’être à même d’apprécier le grand repas et de consommer gaiement ses jours !

Car ne voient-ils pas, tous ces esprits stupéfaits, défiler à vau-l’eau cet immense cortège d’odeurs et de saveurs, de perceptions et de représentations, de réalités et de songes ? Je veux dire, se rendent-ils compte de l’« effet mer » ? de toutes ces secondes qui, en vagues successives et géantes, emportent tous les mets les plus délicats : toute cette multitude de       « plats », de dons, offerts par leur propre mère, leur mère commune — par la Nature à son enfant, à cette chair de sa chair ?

A-t-on conscience de ces lames qui se brisent et se retirent, de ces embruns de réalité qui, devenus rumeurs, s’éloignent et s’évanouissent ?

Compagnons de navigation, augustes bâtisseurs, prodigieux gourmets, faisons une halte ! Face aux courants du Temps, hissons nos digues ; répondons : présent ! D’avance, léchons-nous les babines ! et disposons la majestueuse nappe ! déroulons la bobine de la vie !

Car ne l’avez-vous pas pressenti, ne le sentez-vous donc pas, ne le ressentez-vous pas ? Les bons petits plats sont suffisamment mitonnés ; le somptueux festin, le festin de roi est donné ! Allons, camarades, ne traînez pas !… Avant que la soupe ne refroidisse, retroussons nos manches et, mettons-nous… à table !

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La dérive des esprits

La dérive des esprits

20 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / EduardGurevich

Le développement, l’« enrichissement » des pays industrialisés, des sociétés « développées », sociétés de l’abondance, du surplus, de l’excès, a à bien des égards appauvri l’esprit humain. L’homme y a perdu, et en grand nombre, certaines des plus authentiques, des plus justes évaluations des choses, le « véritable prix des biens utiles à la vie1 », écrivait Anatole France. Tout est plus que jamais accessible et accaparé ; parallèlement, les mets les plus nobles sont dépréciés, bradés, amalgamés avec les choses les plus misérables. Les frontières, les notions de valeur et leurs « degrés » deviennent toujours plus floues, se troublent, se font glissantes ! — ce sont de nos jours des pluies sombres, verglaçantes de pertes sous l‘apparence de gain qui sont réellement essuyées, et parfois une partie de l’édifice est irrémédiablement endommagé. L’illusion, le trouble, est profonde et globale. L’utile, le nécessaire, le Beau sont dilués, noyés dans la masse ténébreuse des considérations, des convictions hâtives et superficielles, dans ces flaques boueuses, malheureuses de l’esprit, dans ces petites étendues de misère fondue. Cet état morbide, cette liquéfaction mentale, situation de stagnation où les capacités de discrimination et de jugement sont altérées, où l’appareil de la critique est négligé, rouillé, transforme les individus en âmes gelées, stupéfaites, en oeil hagard submergé, dans le vague… Dès lors, au milieu de cet océan de signes, de cette étendue de reflets trompeurs, dans ce vaste miroir d’illusions — dans lequel le cortège des valeurs vitales s’abîme en silence, silence abyssal de l’oubli, englouti par le bruit de l’indifférence ! par le vacarme du mépris ! —, on peut parfois encore y distinguer des formes, des contours flottants. Il y surnage, emportés par les grands courants dominants, aspirés par le génie obscur et superficiel, par cette gueule béante des profondeurs, cette insondable bêtise humaine monstrueuse et assoiffée, des fragments d’esprit, des épaves de consciences disloquées, des épaves humaines qui se délitent mais aussi des esprits rescapés, à la dérive… De ces flots, enfin, émergent de véritables survivants ! qui nagent, qui pensent à contre-courant ! — des révoltés se dressant contre les lames destructrices, fendant les « gouffres amers2 », indignés et par là même bien vivants ! — Des affirmateurs, des créateurs de vagues nouvelles, non pas de lames cousues d’or, mais des valeurs authentiques : des chapelets d’îles émergentes ! — des terres d’accueil solidaires ! pour la pensée libre, pour tous les naufragés perdus dans l’amer ! Au lieu de cela, il court des sociétés obsédées par l’appât du gain et foncièrement « défavorisées » : une « humanité » malsaine, gangrenée par une indigence d’un nouveau type, une indigence de pensée, aussi inintéressante qu’intéressée, bassement mercantile, démesurément matérialiste. — Société d’objets et « société-objet », appâtée, nécessiteuse dans ses valeurs, subissant une profonde crise de la valeur et, par voie de conséquence, dévaluée.

Mais évidemment nous nous trompons ! L’argent pour l’argent — la véritable valeur, l’étalon de valeur souverain ! —, comme cela est utile, plaisant, jouissif ! Et en effet « il est bien précieux » : pour ces mariages où l’harmonie et l’amour résident dans le faste ! et pour ces enterrements, pour ces disparitions qui ne passent pas inaperçues !… — « Il y a des enterrements de première classe comme si on allait au paradis par le chemin de fer3 », écrivait Renard…

Il est des êtres qui, quand ils aperçoivent une île, choisissent l’abysse…

  1. A. France, Vie fleur, 1922, p. 557, Dictionnaire Trésor de la langue française informatisé (TLFi), disponible sur

    www.cnrtl.fr/definition/véritable.

  2. Charles Baudelaire, L’albatros.

  3. Renard, Journal,1903, p. 848, TLFi, op. cit., « CLASSE ».

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Les gouttes d’huile ou la norme, les affranchis et les menottes

Les gouttes d’huile ou la norme, les affranchis et les menottes

19 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Okea


Les âmes, ayant oublié le mépris et ne s’emportant plus contre la norme sclérosante, diluante, contre la routine et la passivité nocives, abêtissantes, sont emportées par les larges eaux lugubres du conformisme au sein desquelles elles finissent par s’y mélanger et s’y noyer. On peut apercevoir par-ci par-là, surnageantes, des personnalités énergiques, des êtres différents réunissant des propriétés autres, des traits de caractère atypiques : des esprits non miscibles, des gouttes d’huile rétives qui refusent de se mêler aux flots décadents — des affranchis qui proclament haut et fort que vraiment ils ne boiront pas de cette eau ! En effet, ces êtres ont pris claire et précise conscience de ce liquide qui assèche, de ces courants troubles et flous qui ne remplissent pas : ils vident et appauvrissent, au lieu de donner et d’enrichir ; ils répandent la platitude et les pleurs, au lieu d’apporter la plénitude et le bonheur. Et cette découverte, ces esprits insolubles — ces âmes qui savent que la clé du problème n’est justement pas la mise en solution ! — osent la clamer : ils ne craignent pas le déversement de ce type de rumeurs. Ils se disent à eux même : « Des oreilles sont peut-être en train de se remplir !… » ; ou encore : « Il se peut que les facultés de critique soient en “cours de noyade” ! » ; ou même : « Il est possible que certains ne soient pas au courant ! »… Comment reconnaît-on ces sauveteurs et ces sauveteuses qui se sauvent eux-même et qui ensuite sauvent, extirpent la conscience du fond du puits où elle est tombée ? — Ce sont les seuls qui lèvent la tête et qui tendent véritablement la main. Ce sont les seules « menottes » qui s’agitent sereinement, librement et utilement ; les seules qui dépassent l’étendue, le plan de la norme — les seuls qui nagent et qui ne sont pas dans les mêmes eaux… Les mains uniques vraiment compatissantes et secourables !…

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La dépravation des goûts

La dépravation des goûts

18 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / colematt

Une dépravation inouïe du goût se répand dans nos cultures mais on en doute encore. Comment ? Ne voyez-vous donc pas toute la basse cuisine de ce monde avec ses senteurs et ses saveurs écoeurantes ? cette cuisine qui méprise la grandeur, la dignité ; qui foule aux pied, qui crache sur les valeurs les plus nobles ? Et ces foules n’ont-elles pas faim de distinction, d’élégance ? n’ont-elles pas soif de délicatesse, de raffinement dans les jugements, dans les appréciations du goût ? Par quel phénomène étrange se satisfont-elles encore de la médiocrité? Comment se fait-il qu’elles ne réclament pas des aliments moins vulgaires, moins dépravés ? des ingrédients, des plats dont l’allure et la hauteur les feraient planer au-dessus de la bassesse, qui éviteraient à leur estomac toutes ces convulsions morbides, lui offriraient le grand soulèvement, l’altière et dernière nausée, l’allègement libérateur ? Las ! dans notre société mal nourrie prospère ordinairement des esprits pas bien grands, mais bien ronds et mal dégrossis. Que s’est-il passé ? — Le mauvais goût s’est mêlé aux consciences comme la puanteur aux égouts et, ce faisant, il a corrompu le nez ; il s’est engouffré dans les cerveaux et dispense désormais ses vents décadents. Et cet état pathologique, cette dépravation des esprits est considéré comme normal ! Il arrive même qu’on la prenne pour la belle santé ! Par une formidable tournure des choses, un phénomène singulier transparaît : les papilles mentales étant anesthésiées et s’atrophiant, toute cette graisse psychique dégoulinante n’écoeure plus ! Je dirai même que l’on s’en accommode aisément ! très volontiers ! En voici, en voilà ! on en réclame toujours davantage ! on apprécie la substance ! — Est-il preuve plus manifeste de la prodigieuse dégradation des sens ? de la stupéfiante décadence de l’odorat et du goût ? Et que penser d’un esprit dont l’appétit s’accroît à mesure que la substance s’altère ? qui ne se sent bien que quand il évolue dans une atmosphère fétide ? qui les recherche même et les considère comme son élément ?… — Quand certaines conditions extrêmes sont réunies, c’est l’organe lui-même qui se gâte… Dans ces conditions, c’est un assainissement des canalisations qui est nécessaire, c’est une rééducation et une réhabilitation du « palais » qui sont requises : je veux dire une nouvelle manière de sentir et de goûter — une nouvelle manière de se sentir, de savourer la vie, de la ressentir…

 

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