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Esprit et Liberté

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Archives pour janvier 2016

Monde débilité et débilitant, la bêtise et les deux chocs

Monde débilité et débilitant, la bêtise et les deux chocs

31 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Nobi_Prizue

 

Les corps sont nonchalants, comme sous l’emprise d’une fatigue immense et pernicieuse. Les esprits sont voûtés, démoralisés, comme brisés et suspendus. À chaque fois et dans chaque cas, le même mal invisible et sournois — il se répand en rampant, à travers les organes et les cavités, dans ces « grottes » des étages supérieurs mal éclairées, « troublées ». Et pourtant une évidence transparaît dans ces signes annonciateurs, révélateurs, pathognomoniques, dans cette sémiologie qui dessine, qui énonce les grands symptômes d’une culture, d’une société débilitée et débilitante. Débilitante par ses loisirs artificiels, par son climat social accablant, par ses tendances économiques, technologiques et politiques toxiques ; débilitée en conséquence d’une thérapeutique inadaptée, insuffisante, manquée — dans ces « états » de santé qui sont des états de mal, d’« incurie1 » généralisée, laquelle à l’inverse, et aux dépens des organismes, tel un parasite prolifère, s’infiltre et atteint au vif la sphère politique, la sphère professionnelle et la sphère privée : j’entends cette crise d’aboulie actuelle et globale.

À partir de ce constat, de cet état de fait, et dès lors que le diagnostic est posé, il est possible et nécessaire, vital, d’affirmer que certaines formes d’ignorance, certaines bêtises généralisées — l’humanité est jeune, il est vrai, mais cela est bien connu : Aux âmes humaines, toutes mal nées, La bêtise n’attend pas le nombre des années2… —, après l’échec d’une « thérapeutique » classique, d’une éducation conventionnelle, d’une « individuation normative » — je veux dire une évolution de l’individu qui ignore, néglige l’individualité profonde de celui-ci : des forces, des transformations qui s’annulent les unes les autres donc, une régression évolutive, une évolution régressive !… —, nécessitent des méthodes, une cure plus « radicales » c’est-à-dire l’injection d’unités d’informations nouvelles et correctrices, désintoxiquant. D’innombrables crises et situations morbides de nos sociétés décadentes requièrent même une chirurgie d’urgence, du cœur et de la tête, massive. Certains états de stupeur, de grand aveuglement bénéficieraient d’opérations d’« ouverture » de la « boîte », d’interventions plus directes, plus profondes sur la matière de l’esprit : il est des folies contemporaines qui réclament des traitements de choc — à la hauteur de l’état de choc et des enjeux actuels —, qui requièrent des topiques, des patchs systémiques, voire des « câblages » nouveaux, fonctionnels, des trépanations modernes ! Mais le nombre fait défaut, et aussi la qualité : il souffle un vent glacial, riche de pénuries, un esprit du temps affaibli, qui s’étouffe, sur ces « sols » arides, ces « cultures » désertées, oubliées des penseuses, des penseurs, des artistes — ces médecins de l’esprit, ces panseurs, panseuses de l’âme. En vérité, dans cette société qui agonise, une potion se déverse bel et bien : amère ! un débilitant ! un poison ! La Terre souffrante, folle et choquée a encore quelques vagues de sueur froides, quelques longues nuits fiévreuses à essuyer : les conditions sont réunies pour qu’elle puisse poursuivre, dans une atmosphère toujours plus sombre, incertaine, crépusculaire, sa danse macabre, désarticulée de pantin insensé. — Elle peut continuer à chanceler, à s’étourdir, à déchanter, à vriller… jusqu’à l’ultime expression de sa morbidité, jusqu’à sa dernière note, son dernier cri de nouvelle-née, jusqu’au second choc de cet empire de la stupidité, — plus « terminal »… plus brutal ! — Distinguez-vous ses menottes roses qui déjà basculent et s’agitent vers le ciel ?…

 

  1. Bernard Stiegler, L’emploi est mort, vive le travail ! [livre numérique], 2015 et Bernard Stiegler, La Société automatique : 1. L’avenir du travail [livre numérique], 2015.

  2. « Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées, La valeur n’attend pas le nombre des années », Corneille, Cid, II, 2 ds Rob., Dictionnaire Trésor de la langue française informatisé (TLFi), disponible sur

        www.cnrtl.fr/definition/âme.

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Les regrets, les créatures-reflets et l’arc-en-ciel

Les regrets, les créatures-reflets et l’arc-en-ciel

30 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / GuidoVrola

 

Avec les années, lorsque l’âme n’a pas communiqué toute sa force, n’a pas donné toute sa mesure, lorsqu’elle n’a pas intégralement déversé sa substance, son essence, et exprimé complètement sa singularité, sa plénitude, une amertume implacable, terrible et lancinante s’éveille parfois : le regret d’une existence incomplète, inachevée, bâtarde — l’état de conscience qui ressent la profonde insatisfaction, l’indicible peine, l’extrême affliction qui accompagnent une stérile vie avorton.

Dans ces conditions, les âmes n’y rencontrent — au sein des jours passant — que le spectre accablant et figé de leurs potentialités jadis fraîches, de leurs espoirs autrefois naissants : elles prennent conscience de ce qui aurait pu être ; elles subissent l’expérience inouïe de la plus grande des pertes, — du gaspillage le plus effroyable. Au milieu de cette atmosphère morbide, les épaves errent, broyées par la férocité du Temps ; on les aperçoit constituer de formidables convois : des regroupements de créatures à moitié vivantes se forment, des natures poussiéreuses défilent durant des heures qui s’étirent — les esprits de l’abîme tirent leur cœur gros, leurs pas lourds et oppressés, « accablés sous le poids des heures présentes et sous le regret cuisant des années mortes1 ».

Comment en sont-elles arrivées là ? — Elles se sont laissées envahir, jour après jour, par le royaume des ombres, par le monde des conventions, des apparences et de la peur ; elles sont devenues, à force d’expositions insensibles, à la suite de douces imprégnations régulières, des « créatures-reflets », et, par surcroît des reflets bien pâles : des teintes livides, des êtres blêmes et amers. La coupe du temps s’est vidée, telle une grande bâtisse que les visiteurs désertent, une façade austère recrachant ses occupants ; personne n’est en mesure d’ignorer que le précipice à soif, et que sa soif est impérieuse et intarissable ! Et l’abîme se nourrit préférentiellement d’apparences, il faut le savoir ! L’obscurité avale, à petites gorgées imperceptibles, les lueurs affaiblies et vacillantes de l’espoir mourant : elle absorbe tous ces spectres dévitalisés, terrifiés et fuyants ; toutes ces bougies aigries, toutes ces consciences qui n’ont pas eu l’audace d’embrasser la vie, et qui, accueillent déjà dans leurs entrailles la noirceur, l’engloutissement, l’ultime passivité, abritent dans le sein même de leur propre petite flamme, de leur propre essence, l’Éclat souffreteux, la Nuance morbide, la Lumière crépusculaire, le Poignard ; toutes ces existences qui fuient par millions, par milliards, l’existence elle-même ! — l’obscurité ingère cet essaim d’êtres qui ont peur de vivre !

N’entend-on pas ces pluies de météores au cœur glacé, ses vies brèves qui s’embrasent en hurlant dans l’intimité de leur cœur, ces corps célestes qui passent en laissant des traces blafardes et des sillons fugaces sur le visage éternel et moqueur des secondes, ces étoiles filantes qui, dans un océan de tristesse, et, telles des bûches par trop humides noyées dans la souffrance, se consument lentement, progressivement et complètement ? Par quel miracle la multitude est-elle sourde, aveugle à tout cela ?

Est-il un remède ? — À la place des reflets pâles, des apparences mornes et usées — des couleurs authentiques et gaies ! Opposée à la funeste noirceur, à ces flots de souvenirs sombres, à ces mers d’amertume qui encerclent et qui pointent leurs lames vers ce cœur angoissé — la « belle humeur2 », la volonté haute et la grande « innocence3 » ! Face à la peur — l’indifférence, le défi même : la recherche de la peur !

Ainsi donc, il est une chose qu’il est nécessaire de dire — et encore davantage, d’entendre ! Il n’est jamais trop tard pour refuser de traîner tout bonnement sa carcasse ; jamais trop tard pour que la machine hurlante, pour que cette locomotive à vapeur encombrée, haletante, abandonne son effroyable convoi, pour qu’elle se déleste de ses wagons morts ; jamais trop tard pour cesser de répandre à travers les âges ses sillons superficiels, ses traînées noires. En outre, il n’est jamais trop tôt pour arrêter de survivre ; pour décider de Vivre4… Pour, sous le poids des ondes de souffrance, sous cette misère qui s’abat en averse, déployer des ondes de lumières vives, ouvrir son parapluie coloré : son humeur arc-en-ciel, son enthousiasme multicolore ! Enfin le moment est toujours propice pour défier le Temps ! — pour rire de lui ; mieux ! pour rire avec lui !

Riez camarades ! Et que cette noble gaieté et cette auguste innocence éclairent vos âmes !… illuminent vos vies !

 

  1. É. Zola.

  2. Friedrich Nietzsche, Aurore (Paris, GF-Flammarion, 2012), I, § 41, et V, § 440.

  3. Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain I (coll. Folio/Essais, Éditions Gallimard, 1988), 100-102, « Irresponsabilité et innocence ».

  4. À ce sujet, le chercheur en psychologie Mihalyi Csikszentmihalyi, spécialiste de renommée mondiale de la « psychologie positive », est l’auteur de : Vivre (Pocket Évolution, Éditions Robert Laffont, 2004, 1990) et Mieux vivre (Pocket Évolution, Éditions Robert Laffont, 2005, 1997).

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La valeur de l’argent

La valeur de l’argent

29 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iSockphoto.com / maiteali

 

Pecunia non olet (« l’argent n’a pas d’odeur ») : le vieux dicton latin répand toujours et partout la « fraîcheur » de son parfum…

L’argent est un bon serviteur et un mauvais maître : combien passeront encore à côté de ces mots révélateurs sans même les entendre, ni les voir ?

Et le plus fondamental L’argent ne fait pas le bonheur : message, avertissement négligé et moqué par la majorité sous prétexte qu’il n’exprimerait qu’une idée naïve, voire futile et sotte.

Trois expressions à propos desquelles l’auteur et entrepreneur américain Jim Rohn a en quelque sorte résumé sa pensée lorsqu’il a écrit dans son ouvrage « Seven strategies for wealth and happiness »  :

« Si l’argent devient l’objet de votre amour et que vous poursuivez la recherche de la fortune aux dépens d’autre valeurs, vous aurez perdu et non gagné1. »

Le Dictionnaire de l’Académie française défini l’argent comme : « Ensemble des biens, richesse, fortune2. » Mais l’individu peut accumuler autant qu’il le souhaite, il n’en demeure pas moins vrai que le gain d’argent peut appauvrir — comme l’a énoncé Rohn. Dans le même esprit, Friedrich Nietzsche évoque « la possession [qui] possède ». À ce sujet il a dit  :

« La possession ne rend l’homme indépendant, plus libre que jusqu’à un certain niveau ; un degré de plus, et la possession se change en maître, le possesseur en esclave ; il doit lui sacrifier son temps, sa réflexion, et il se sent dorénavant obligé à certaines fréquentations, cloué à un lieu, incorporé à un État, tout cela, peut-être, à l’encontre de son besoin le plus intime et essentiel3. »

La population générale, d’une façon manifeste, prend pour argent comptant les idées communes sur la signification, la nature de l’argent. Nos sociétés l’ont érigé en nerf de la guerre ; mais quelle est sa véritable valeur, si ce n’est celle qu’on lui accorde ? À ce propos, l’économiste et auteure américaine Hazel Henderson a déclaré, non sans ironie :

« Les peuples sont la richesse des nations, voyez-vous : les ressources de l’écosystème et une population intelligente, efficace et créative, telle est la richesse des nations. Pas l’argent. L’argent n’a rien à y voir. L’argent n’a aucune valeur ; tout le monde sait que l’argent n’a pas de valeur. Je fais des séminaires sur l’argent et je les commence toujours en brûlant un billet d’un dollar et en disant : “Pour allumer le feu, c’est parfait, mais comme richesse, c’est nul. C’est juste un système de marquage pour nous aider à suivre les transactions4.” »

Or, cela ne requiert pas d’insurmontables efforts d’observation et d’analyse pour constater que nos sociétés sont peuplées d’hommes et de femmes d’argent qui le promeuvent au rang d’idole — qui lui vouent une sorte de culte. Tintements de pièces qui résonnent dans les cerveaux, bruissements de billets de banque animés par les vents fous, véritables tempêtes sous les crânes : habituez-vous compagnons ! voici venu le nouveau spectacle des temps modernes ! lequel met en scène cette dame société avide, vénale, obsédée, aveuglée, — achetée !

Dans ce contexte, il est d’autant plus déplorable de se rendre compte que les gens portent sur eux beaucoup d’argent mignon pour des fantaisies, et encore plus d’argent mort : ce sont ces idées étouffées, ces projets ensevelis, ces entreprises oubliées — ces pensées valables pour leur propre existence et pour leur communauté ; ces pensées délaissées, mort-nées.

Nos machineries sociétales donnent vie et alimentent l’aristocratie d’argent : voici nos ploutocraties — représentées en grande partie par ses féodalités financières omniprésentes, toutes-puissantes — issues de l’argent et le servant à leur tour hypocritement, dans un aveuglement consenti, délibéré. D’innombrables organisations bourgeonnent, lesquelles, loin d’encourager la réflexion, la sagesse, la créativité, l’innovation et le don, reposent essentiellement sur le socle de la spoliation : celle du peuple, des nations.

Cette ploutocratie rit au nez des timides tentatives démocratiques encore bien malingres. Les milieux des affaires, du pouvoir, de la finance constituent ces puissances d’argent qui étendent leurs tentacules sur les structures sociétales publiques, et in fine dans les sphères privées, à travers les destinées humaines.

La population, les mouvements, les résistances multiples et fragiles se heurtent à l’immense mur d’argent et à ses gardiens immenses, à ces titans, à ces cerbères, lesquels, animés d’un sentiment de puissance en rapport avec leur taille, s’évertuent à détruire les moindres velléités d’affrontement de ces « petites bêtes » arrivant en nuée. Les citadelles sont prises d’assaut en pensée, mais les soulèvements populaires sont par trop anémiques, maladroits, vacillants, éparpillés, pour être en mesure de défier les colosses rieurs — les cadenas, les murailles, les remparts ne vont pas fléchir de sitôt.

La démocratie — a-t-elle jamais existé ? — est morte ; le pouvoir de l’argent est roi dans ce monde infecté, vicié, dépravé, qui fait argent de tout.

Et comme la foule semble s’en réjouir, alors à la seule fin de ne pas dépareiller, de ne pas détonner — puisqu’il n’est pas de « bon ton » d’agir autrement dans nos sociétés conformistes —, disons-le haut et fort tout en rejoignant le vaste choeur — qui saigne — : « Vive le roi ! »…

Mais nous autres pensons que l’individu possède des voies de libération sous-estimées : celles de la raison, de la liberté, de la contribution, du don. Puisse-t-il entrevoir que l’argent n’est qu’un simple concept, une modeste définition humaine, une notion artificielle qui peut avoir — lorsqu’elle est comprise et éclairée par une pensée sage — une utilité réelle, mais qui peut aussi constituer un symbole « métallique », une cage effroyable.

Combien devront encore, menés à la baguette par de ridicules paluches s’agitant, tramant dans l’ombre, grossir les rangs de ces foules qui croupissent derrière les barreaux de ces constructions mentales ? Je veux parler de ces cellules froides, déshumanisantes, aliénantes, véritables cachots pour les consciences serviles, véritables domaines, royaumes des puissants ; puissants à leur tour mystifiés, esclaves…

« Anne! Anne! Que devenez-vous parmi tant de piètres besoins et de mesquines nécessités? L’argent! Les sous! Les billets de banque! Ah! Seigneur! Où sont les jardins de votre Eden? … »

Miomandre, Écrits sur de l’eau,1908

 

  1. Jim Rohn, Stratégies de prospérité (Québec, Un monde différent), 119.
  2. Dictionnaire de l’Académie française, 9ème édition disponible sur

    www.cnrtl.fr/definition/academie9/argent.

  3. Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain II (coll. Folio/Essais, Éditions Gallimard, 1988), 141-142.

  4. Propos d’Henderson rapportés par Mihalyi Csikszentmihalyi dans son ouvrage La créativité (Paris, coll. Réponses, Éditions Robert Laffont, 2006, 1996), 279.

     Autres sources :

     – Deng Ming-Dao, Le Tao au jour le jour (Paris, Éditions Albin Michel, 2002, 1992), 218.

     – Dictionnaire Trésor de la langue française informatisé (TLFi), disponible sur

        www.cnrtl.fr/definition/argent.

Classé sous :Journal

Le ruminant, l’enfant et l’artiste

Le ruminant, l’enfant et l’artiste

28 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / kvap

 

L’herbe et les feuilles sont rapidement mâchées par la vache et sont dirigées vers sa panse. Les bactéries entament la digestion et après un certain temps, le contenu est régurgité et remâché. La substance est ensuite en quelque sorte triée et essorée en passant successivement par les trois autres compartiments de l’estomac1.

L’artiste « collecteur » est aussi un « connecteur » : il combine, recombine, patiente et lorsque le moment est opportun, il transforme, modèle son idée, sa pensée, et l’extériorise, la communique à travers son medium : langage, mathématiques, peinture, danse, sculpture, etc.

Le créateur est un ruminant du monde des idées : il collecte les pensées, les avale, les « rumine », les digère et se fournit en nutriments, il sécrète le lait, élimine les excréments — il produit son œuvre.

Son esprit « incorpore » les propriétés de l’enfant. Car en effet, il résulte en partie de ce processus créatif — digestif — des excréments, et qui d’autre qu’un enfant voudrait les offrir comme cadeau ? En outre, qui serait en mesure de le faire d’une manière à la fois si innocente, mais aussi si imprégnée d’un tel sentiment de puissance ? d’une telle ambivalence de sentiments et d’intentions ?

Ainsi, l’étrange animal qui utilise ses selles comme une offrande est soit un enfant, ou bien un fou, ou alors, — un artiste !

Ce que l’ « enfant-artiste » offre au monde, c’est son modeste trésor, et qu’importe son odeur, son aspect, qu’importe que ce ne soit pas la vérité, il s’agit de sa vérité — à tout le moins d’une vérité —, de sa propre nature dans sa pleine nudité.

Et ne nous y trompons pas, cette petite création porte en elle de grands espoirs : la « production » de l’esprit libre et inventif, fruit de son courage et de son travail émotionnel continuera — ce phénomène prospère depuis les temps immémoriaux — d’assumer son rôle de terreau pour des germinations latentes, pour d’autres « collections », transformations futures, — en devenir.

Élan, girafe, bison des forêts périarctiques, des savanes africaines, d’Europe et d’ailleurs, ruminez ! métamorphosez ! créez !

Et « partagez » ! humblement, simplement, puissamment, — dans la gaieté !

 

  1. Larousse, disponible sur

    www.larousse.fr/encyclopedie/divers/rumination/89392.

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Du flair dans les jambes

Du flair dans les jambes

27 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Clivia

 

Les sociétés, utilisant la « règle » pour tracer leur plans, le conformisme et la grande indolence pour huiler ses rouages, ses méchanismes et ses « machines » — pour bâtir leurs propres structures sociales, fonder leurs « membres », leur corps —, répandent cette vapeur anesthésiante composée d’« extraits » de prolétarisation, d’oisiveté et de bassesse.

C’est ainsi qu’une atmosphère idéale pour la « grande dépression », pour le nihilisme dévastateur, émerge, que les conditions « atmosphériques » pour un grand mal apparaissent.

Le remède ? — La gaieté d’esprit, afin de lutter contre l’affaiblissement des forces de vie ; la volonté cyclopéenne, qui confère l’énergie essentielle à la contribution, à une existence haute ; et une mission, en vue de désarçonner la question du sens.

Mais au lieu de ces nobles « préparations », de ces émanations bénéfiques et de leurs senteurs délicates, vitales même, s’échappent de nos monstrueuses fabriques ces exhalaisons toxiques, ces odeurs fétides, — cette fumée puante et destructrice.

Qu’est-il arrivé à nos cultures innocentes, à nos civilisations insouciantes, inconscientes ? — Elles sont tombées malades et tremblent d’effroi : ces créatures fragiles ont pris froid et subissent désormais, la nuit comme le jour, les terribles quintes. Mais elles se couvrent la tête, les précausionneuses !… À peu près partout on découvre des nuages sinistres recouvrant les crânes !…

Toujours est-il que nous autres avons le nez nécessaire ! l’organe adéquat ! Pour, avec une application constante, rechercher la sublime odeur, le noble parfum ! Nous avons l’odorat fin, et de bonnes jambes aussi : notre anatomie et notre physiologie, nos organes et nos fonctions, nous permettent de détecter et d’échapper aux effrayantes vapeurs, — à la ténacité de l’Effluve !…

Nous autres esprits fortunés, nous disposons de membres inférieurs distingués ! et savons, lorsque la situation le requiert, jouer des guiboles — nous bénéficions alors de nos jambes fines et perspicaces : nous jouons des flûtes ! nous nous éloignons rapidement en dansant ! Et de nos flûtes altières qui ont du flair, nous en sommes enchantés !

Belles et heureuses gambettes ! lorsque le gaz méphitique aspire à vous caresser et à vous envelopper par le moyen de sa basse essence ; lorqu’il entreprend sa sournoise approche, lorqu’il évolue en se donnant des airs, sous le voile des apparences : agitez vos oreilles ! déployez votre nez !… Élancez-vous ! élevez-vous ! fuyez !… Osez et devenez nuée éthérée… âmes qui inspirent… — esprits libérés !

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De battre ces cœurs ne veulent pas s’arrêter

De battre ces cœurs ne veulent pas s’arrêter

26 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / janulla

Les flèches du Temps peuvent bien continuer à essayer de percer notre chair, à tambouriner contre nos tempes, à faire vaciller notre âme : elles nous rendent, nous, les esprits hardis, bien plus vivants, bien plus conscients. Car nous avons appris à reconnaître ses escarmoucheurs, et à incorporer leurs mouvements — à transformer leurs agitations. Nous sommes au fil du temps devenus des sentinelles aguerries, des attrapeurs distingués de vibrations et des transformateurs d’ondes.

C’est ainsi qu’à la brutalité des pointes nous opposons la douceur de notre noble mouvement et que face à l’ombre ardente des flèches nous hissons notre bouclier : nous élevons le parasol coloré et rafraîchissant de notre rire lumineux !

Que nous est-il arrivé ? — D’un fleuve infernal, nous en avons fait une fontaine de calme et de joie ; avec ses eaux que jadis nous croyions vaines, impropres et obsédantes, nous sommes parvenus d’abord à humidifier, puis à alimenter nos entrailles assoiffées ; peu à peu notre cœur affamé s’est mis à se nourrir d’elles, à les rechercher même, à vouloir coûte que coûte s’hydrater au moyen de cette énergie transformée, de cette source nouvelle, et, dans un moment d’une inspiration inouïe, ce même coeur a aspiré à la fabuleuse baignade dans cette mer qu’il a voulue neuve !

Et c’est animé de ce désir et de cette force « fraîche » que nos cœurs vibrent maintenant ! Et c’est par ce battement inédit qu’ils répandent une vie plus limpide, plus fluide et plus vigoureuse ! Plus stimulante et tonifiante, — plus vivifiante ! Enfin c’est remplis d’une cadence d’une autre nature qu’ils déversent leurs ondes majestueuses, leurs ondes joyeuses !

Coeurs vaillants ! cœurs battants ! voyez cette multitude d’âmes augustes et prodigues !… Toutes ces cavités désormais pleines qui répandent leurs belles paroles, leur humeur rieuse, leur santé prodigieuse !… Toutes ces consciences qui se contractent, se lâchent et vibrent à l’unisson ! Ne craignez pas de vous intégrer à la rythmique, de vous mêler à la musique — de participer, de contribuer, et d’enfanter la symphonie !

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Les frontières

Les frontières

25 janvier 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Zastavkin

 

Observez ces esprits ailés évoluer. Ils ne se satisfont pas de la sécurité et du confort des murs, des toitures : des limitations de la structure et du contenu. En vérité, comment pourraient-ils rogner leurs propres ailes ? laisser, volontairement et joyeusement, leurs aptitudes et leur liberté se rétracter et s’atrophier ? Comment seraient-ils d’une quelconque manière en mesure de contredire la nature elle-même, d’opter pour une conduite qui serait contraire à leur physiologie ? Ces oiseaux de haut vol, ces êtres migrateurs, ont soif de vastes espaces et d’air vif ; ils sont continuellement en quête d’une atmosphère toujours plus claire, toujours plus fraîche, — toujours plus riche, et prodigue. Ils vivent sans cesse aux frontières : de la vérité, du goût, du possible. Leur zone de confort se situe dans les « extrêmes » ; en ce sens, ils sont les créatures des confins. Des exploratrices donc, des hardis aventuriers, des sentinelles — aux antennes imposantes ; et qui osent se perdre — dont la curiosité méconnaît les bornes, dont la volonté ne tolère pas la limite : même, leur détermination se joue de la progéniture de la limite, de ses restrictions. Leur conscience, de jour en jour, s’élargit, s’ouvre, se déploie ; leur âme éclot et s’épanouit avec constance, désintégrant à chaque nouvelle naissance, à chaque cycle, les délimitations archaïques, — les anciennes frontières.

Je veux parler de ces briseurs de cercles, de ces esprits qui « s’ouvrent » — à la connaissance, à l’expérience — et se libèrent, de ces « écarteurs », de ces fendeurs d’horizon. Mais que vois-je ! Ô contour désastreux ! contour fatal ! Comme tous ces cercles étroits et successifs où erre la multitude désoeuvrée éreintent, compriment, asphyxient ! Comme toutes ces lourdes et sombres ombres, comme certains horizons, veulent enlacer, couvrir de caresses, délivrer des baisers qui accablent et emprisonnent ! Avec quel désir cette joie ardente, irrépressible, aspire à ensevelir les âmes sous de douces liaisons fatales !

Il est des besoins profonds qui requièrent de véritables solitudes, même — et surtout — vis-à-vis des démarcations ! Les instincts réclament le grand élargissement et des trouées en multitude à même le tracé des cercles — de nouvelles percées… des éclaircies… des échappées sont invoquées ! les doux rayons sont exigés ! L’esprit a faim de prodigieuses étendues, d’inconnu, de formes neuves, de cadres moins rigides, de fluidité, de métamorphoses — de fluctuations régénérantes, de lueurs inédites ; de structures émergentes, d’aurores naissantes !

Ainsi la crise de l’esprit dévoile la nature de son trouble : son problème de type « géographique ». En effet, ce sont les délimitations artificielles qui sont en cause : ces grandes lignes épaisses et baveuses tracées par des doigts grossiers et apeurés — par des prolongements articulés de consciences désarticulées ; par des doigts « humains, trop humains1 »… L’esprit connaît le cachot depuis que les mains folles se sont mises à gesticuler et à dessiner les cercles cannibales autour de lui. Un cercle ici ; un autre là, et déjà il s’était enroulé, emmêlé : il était circonscrit ! Déjà l’immense voile au quadrillage d’acier se jetait sur sa face stupéfaite, et un « paysage » encombré, obscurci par les frontières innombrables — lesquelles, à compter de ce moment, ont commencé à pulluler — commençait à se dessiner et à obstruer la vue de cette bête qui se croyait artiste… Le soi-disant créateur s’est laissé enfermer à l’intérieur de lui-même, et de son propre fait par surcroît ; inconscient de la présence des serrures, et encore davantage de l’existence des clefs… La sortie l’entoure toujours, mais il l’a oubliée ! Et, chose des plus curieuses, au sein du grand aveuglement, on continue, à notre époque, à boucher sa vision — toujours plus de barrages et d’obstacles sont conçus et posés. Pire ! ces concepteurs de chimères, ces bâtisseurs d’empires, d’illusions, s’enorgueillissent de leurs constructions, de leurs « créations » !

Mais comment en est-on arrivé là ? Je veux dire, comment une sensation aussi nocive a-t-elle pu se faufiler à travers les âges et, à chaque fois, trouver, d’une part, un endroit où s’inscrire et, d’autre part, une zone à circonscrire ? Bref, comment a-t-on pu laissé l’esprit enfermer la vie ? la restreindre à ce point ! la contraindre, ô combien ! la comprimer, — l’étrangler !…

 

  1. Titre de deux ouvrages de Friedrich Nietzsche : Humain, trop humain I et Humain, trop humain II.

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